L’agriculture empêche l’échauffement du monde

Sébastien Abis, directeur du club Déméter, est intervenu lors de l’assemblée générale de Triskalia, à Carhaix (29). - Illustration L’agriculture empêche l’échauffement du monde
Sébastien Abis, directeur du club Déméter, est intervenu lors de l’assemblée générale de Triskalia, à Carhaix (29).
Un homme sur 6 est tributaire du commerce mondial pour se nourrir. En 2050, ce sera un sur deux.

Sébastien Abis, directeur du club Déméter, think tank sur l’agriculture, rappelle une évidence que l’on a presque tous oublié parce que les agriculteurs européens ont très bien travaillé : « Quand vous n’avez pas mangé pendant 48 heures, vous ne raisonnez plus de la même façon ». Autrement dit, quand vous avez faim, vos actes et gestes ne sont plus commandés par le cerveau mais par l’estomac ; c’est l’instinct de survie qui commande.

L’agriculture contribue à la paix

Sur notre planète près d’un milliard d’individus sont justement sous l’emprise de leur assiette vide. Ce qui fait dire à ce chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris): « L’agriculture est un des secteurs qui contribue le plus à la paix dans le monde. L’agriculteur est le meilleur casque bleu de la planète ».

Avec 220 000 bouches supplémentaires à nourrir chaque jour, « vos métiers contribuent à faire baisser la température (sociale) ». Et cet économiste de montrer que « les cartes de la faim, de la guerre et de la pauvreté se superposent ». Bref, quand on a faim (un mort toutes les 4 secondes), on se bat pour ne pas mourir… et tous les moyens sont permis. Ce qui conduit Sébastien Abis à décrire le tableau qui se présente pour le siècle à venir : « Est-ce qu’on va aller chercher les ressources ailleurs ou est-ce que l’on s’agrège pour éviter les pénuries et la convoitise ? »

L’Afrique supplantera l’Asie

Pour toutes ces raisons, le commerce international de l’alimentation est forcément promis à un bel avenir. Pas forcément vers l’Asie, mais vers l’Afrique qui va prendre le relais de la croissance démographique avec plus d’un milliard d’habitants d’ici 2050. « Il y aura de plus en plus de ruraux dans les campagnes africaines. Cela expose les pays à des risques sociaux si des pénuries se font jour », poursuit le directeur du club Déméter qui incite à ne pas avoir les yeux rivés exclusivement sur la Chine. « Il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. D’autant que, si l’on s’en tient au message libéral du président chinois, la route de la soie n’a rien de soyeux… ». Et d’ajouter : « Les problèmes alimentaires sont de plus en plus imbriqués avec les problèmes climatiques, sociaux et politiques ».

Construire des murs ou faire du développement ?

Avec en corollaire des problèmes liés à l’émigration : « On quitte un territoire par détresse. La question est de savoir si l’on traite la question en construisant des murs ou en faisant du développement ». Angela Merkel a répondu à la question dans le cadre du G20 dans un document sur l’alimentation de l’Afrique pour le long terme. Outre-Atlantique, le président Trump répond en voulant ponctionner le Farm-Bill et en faisant la guerre à l’immigration, comme s’il oubliait que l’agriculture californienne emploie 80 % d’immigrés.

Grenelle pour bobos ?

Quelle sera la place de l’Europe, et plus particulièrement de la France dans ce nouvel ordre alimentaire mondial ? Pour ce jeune chercheur, la rémunération future des agriculteurs sera aussi déterminante que la politique agricole nationale. « Partout je vois une agriculture innovante, qui investit beaucoup, des agriculteurs qui travaillent énormément et qui pourtant ne sont pas rémunérés correctement pour nourrir la population », observe-t-il. Et de s’interroger sur le prochain chantier du président Macron : « Le Grenelle de l’agriculture sera-t-il un grenelle pour bobos ou un plan stratégique pour la sécurité alimentaire ? ». Réponse cet été …


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