Après deux ans de stabilité, l’artificialisation du foncier agricole repart à la hausse. Pour le préserver, de nouvelles réglementations misent sur plus de transparence.
L’acquisition de 1 700 ha dans le Berry par une société d’investissement chinoise a défrayé la chronique il y a un an et demi. Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ont alerté les pouvoirs publics. Le législateur a rapidement adopté deux amendements au projet de loi Sapin 2, pour une plus grande transparence lors des achats fonciers.
Une loi foncière plus forte
Selon le président de la Fédération nationale des Safer (FNSafer), Emmanuel Hyest, avec la loi d’Avenir, la loi Sapin 2 et la loi Pottier… La réglementation a évolué de manière positive, même si elle n’a pas été aussi loin que les souhaits émis. « Certains points ont été censurés par le Conseil constitutionnel comme pour la loi Pottier avec la possibilité de préempter partiellement des parts de société. Cependant, on a gagné sur la transparence des transactions, achats, donations…
Les grandes lois d’Orientation foncière de 1960 et 1962 ont été toilettées, avec des évolutions élaborées sur des critères objectifs et non pas politiciens », insiste-t-il, lors de l’assemblée générale de la Safer Bretagne, le 9 juin. « La loi d’Avenir de 2014 exige par exemple que toutes les ventes, donations et cessions de parts de sociétés agricoles, en milieu rural et péri-urbain, soient notifiées aux Safer par les notaires pour une meilleure vision de ce qui se passe sur le territoire », explique Thierry Couteller, directeur de la Safer Bretagne. Les chiffres le démontrent : en 2016, les notifications parvenues à la Safer Bretagne se sont portées à 21 143, un chiffre en forte progression de 30 %.
Nouvelle tendance en Europe
« Aujourd’hui, une nouvelle problématique se pose en Europe. De nombreux groupes financiers et économiques nationaux et internationaux sont prêts à acheter des terres : c’est une tendance nouvelle mais qui peut à terme changer complètement la typologie de l’agriculture française », alerte Emmanuel Hyest. On recense par exemple en Roumanie, trois exploitations de plus de 50 000 ha. En Angleterre, une société détient 85 000 ha. Quel est l’intérêt d’un tel fonctionnement ? Le système sociétaire a son utilité pour des transmissions progressives.
Mais pose problème lorsqu’il est utilisé pour passer au-delà des règles avec des transferts de parts pour échapper au contrôle de la Safer », s’exprime-t-il. Et de chiffrer : « 13 % du foncier agricole national a été acquis par des personnes morales en 2015 pour 26 % en termes de prix ». La Bretagne comme toutes les autres régions, n’échappe pas à la règle des achats par les sociétés. « Mais la pression foncière y est encore plus forte. Les transmissions avec des bâtiments, du cheptel, du matériel et du foncier rendent les financements pour les jeunes agriculteurs difficiles », relève Jean-Paul Touzard.
Le foncier et l’autonomie alimentaire du pays
La FNSafer est adhérente à une structure européenne, pour étudier les évolutions et informer les institutions européennes concernant la problématique foncière. Chaque pays a sa vision et l’État français n’est pas celui qui prône le plus la régulation. « Au ministère de l’Agriculture, il existe des services où le libéralisme, le laisser-faire serait le meilleur des modèles pour certains fonctionnaires… », rappelle Emmanuel Hyest, appelant les ministres et les élus à reprendre en main ce dossier, en lien avec la profession agricole.
Et si la crise de l’élevage affecte actuellement nos filières, notre agriculture est toujours résiliente. « Mais avec des capitaux extérieurs, si on n’est pas assez rentable, les investisseurs enlèveront leurs capitaux et s’en iront vers d’autres secteurs économiques », alerte Emmanuel Hyest. Pourtant, les enjeux sont forts en agriculture. Car la terre reste un bien privé mais avec des enjeux d’intérêt général en tant qu’outil de production, pour assurer l’autonomie alimentaire d’un pays…
[caption id= »attachment_28917″ align= »alignright » width= »227″] Jean-Paul Touzard, président Safer Bretagne[/caption]
Une gouvernance modifiée
Depuis 2014, des discussions étaient en cours sur la gouvernance des Safer. En Bretagne, un nouveau conseil d’administration a été constitué lors de la dernière assemblée générale de juin, passant de 18 à 24 administrateurs. La région administrative de la Bretagne n’ayant pas été modifiée, les évolutions sont mineures. Chez nous, on s’y était déjà préparé. Tous les syndicats d’exploitants agricoles étaient déjà représentés dans les comités techniques depuis les années 2000. Ils siègent désormais dans le conseil d’administration, ainsi que deux organisations environnementales (Fédération régionale des chasseurs et Bretagne vivante), et les collectivités (la Région Bretagne, les 4 départements bretons, les maires de Bretagne et Rennes Métropole). Franck Mérel, Président Ovi-Ouest