Fabrice Chabot est un jeune éleveur installé en 2010, à la tête du syndicat Jeunes Agriculteurs du département du Doubs (25). Il nous retrace le paysage agricole de son département.
Vous parlez d’une dynamique d’installation importante…
Fabrice Chabot : Une ferme en arrêt d’activité est aussitôt reprise. La dynamique est bonne, avec 80 installations sur le département, en forte augmentation, les ¾ situés en zone AOP. La moyenne d’âge des installés est de 28 ans. Cependant, le secteur est divisé en deux zones et fait face à des revendications différentes : les valorisations et les aides sont différentes. À savoir, le Haut-Doubs, sur les plateaux, pour 2/3 du département, où est produit l’AOP comté (Aides ICHN proches de 15 000 €/exploitation). Et la plaine, où peut aussi être produit du morbier en AOC, mais avec les contraintes de prix conventionnels, une dotation DJA de moindre importance et l’absence d’Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Cette dernière zone concerne ¼ des exploitations du département, en baisse, laissant présager une déprise laitière sur ce secteur.
Vous parlez d’un endettement de plus en plus élevé. Est-ce logique avec des systèmes herbagers extensifs ?
F. C. : Le prix n’est plus un résultat, c’est une nécessité, car le coût de production est élevé, à 480 €/1 000 L. Ce coût de production important s’explique par des matériels de fenaison de plus en plus imposants et des bâtiments neufs surdimensionnés avec un surcoût à la construction de 25 % en zone de montagne et des stabulations bien équipées avec des Dac, Dal, tapis… pour un prix de la place avoisinant les 10 000 €. Je suis inquiet de l’endettement qui explose dans les exploitations de la zone où, avec la présence d’un prix rémunérateur, les producteurs ne regardent plus à la dépense. La production augmente dans les fermes, mais pas l’Excédent brut d’exploitation (EBE), ce n’est pas normal !
Quelles sont les forces de votre organisation ?
F. C. : Ce qui est important dans une filière, ce sont les hommes. Chacun à sa place, chacun pense à l’autre et tout le monde tire dans le même sens. La valeur ajoutée est équitablement partagée. Avec la gestion des volumes, et l’AOP, on s’est démarqué des autres. Quand les volumes augmentent sur la zone Comté, les prix grimpent eux aussi. Il n’y a qu’ici que cela fonctionne ainsi. On a hérité de ce que nos prédécesseurs ont fait, à nous de le pérenniser pour les futures générations. Pour chaque JA qui s’installe dans la zone, une journée de formation filière de 3 jours est obligatoire. On bénéficie de l’image de l’AOC et on l’entretient : 1 million de touristes passent dans le massif jurassien en voyant des vaches dans les pâturages. Cependant l’équilibre reste fragile, rien n’est jamais acquis… Ici aussi, il faudra songer à faire mieux avant de faire plus.
Tanguy Carfantan, Hugo Léon