Jusqu’à ces derniers jours, c’était comme un champ de bataille au garde-à-vous. Un alignement au cordeau sans une tête qui dépasse. Puis, comme chaque année à la floraison, l’audace a poussé un intrépide à lever la crête, à dépasser la multitude d’une tête. Dans la plupart des parcelles de maïs, un plant solitaire domine désormais ses frères de terre. Ce plant qui ne rentre plus dans le rang se démarque et se remarque. Sa course vers la lumière met en lumière sa sommité tel un tribun sans voix perché au milieu d’une foule sans relief.
Faut-il imaginer qu’il doit sa fortune à quelque chevreuil vagabond venu soulager son flanc à son pied ? Sa croissance ainsi dopée l’aurait encouragé à poursuivre sa course de géant vers le ciel. Abracadabrantesque eut commenté l’homme politique chouchou des Français et inspiré par Arthur Rimbaud qui, lui-même, reprenait ce sobriquet sur la duchesse d’Abrantès détrônée en duchesse d’Abracadabrantès. Divagation n’est pas raison… Il est tout simplement bien plus probable que quelques gènes sauvages aient échappé à la main de l’homme.
Neuf millénaires de sélection n’ont pas réussi à dompter la nature qui veut qu’un maïs libre et sauvage puisse s’élever jusqu’à 10 m de haut. Tel l’arbre qui cache la forêt, il n’est toutefois pas sûr que ce géant mexicain primitif ait résisté aux embruns bretons. L’eut-il fait, il n’aurait définitivement pas échappé aux couteaux affûtés de l’ensileuse. Tout compte fait, ne vaut-il pas mieux rentrer dans le rang ?