Algues vertes : une précocité prévisible

L’épandange des algues vertes en frais constitue le moyen d’élimination le plus simple et le moins onéreux. Le problème, c’est la disponibilité des terres en période estivale quand les cultures sont encore sur pied. Les volumes récoltés sont en bonne partie compostés. Le produit est normalisé et exporté. - Illustration Algues vertes : une précocité prévisible
L’épandange des algues vertes en frais constitue le moyen d’élimination le plus simple et le moins onéreux. Le problème, c’est la disponibilité des terres en période estivale quand les cultures sont encore sur pied. Les volumes récoltés sont en bonne partie compostés. Le produit est normalisé et exporté.
Stock résiduel automnal, conditions climatiques, flux de nutriments… Les paramètres qui conditionnent le développement des algues vertes sont nombreux. La tendance montre une baisse des volumes échoués, en lien avec celle des nitrates.

« Les volumes d’algues vertes ont battu tous les records aux mois d’avril et de mai 2017 ». Sylvain Ballu, chercheur au Centre d’étude et de valorisation des algues à Pleubian (22), explique le phénomène : « Cela n’a rien a voir avec les nutriments, car, au printemps, ils sont toujours en excès dans les eaux. Le stock résiduel d’algues de la saison 2016, relativement important, n’a pas été dispersé en hiver, faute de tempêtes. Il n’y a pas eu de brassage et de dispersion au large. Résultat : les ulves restantes se sont développées très rapidement avec la météo ensoleillée et douce du printemps 2017 ».

À l’opposé, en 2014, la marée verte avait débuté très tardivement, au mois d’août, sur certaines baies habituellement précoces. La succession des tempêtes de l’hiver précédent avait éliminé tout le stock résiduel .« Il faut donc se garder des conclusions trop hâtives », prévient le spécialiste. À partir de juin 2017, la sécheresse a limité le débit des cours d’eau (30 % à 50 % de moins qu’en année moyenne) et l’afflux de nitrates dans les baies. Le volume d’algues échouées s’est fortement réduit sur l’ensemble des sites concernés en Bretagne, dès le début de l’été. Toutes les baies ne sont pas logées à la même enseigne. « Les cours d’eau qui se jettent dans la baie de Saint-Michel-en-Grève (22) ne sont pas très chargés en nutriments mais les marées vertes sont importantes car il y a peu de brassage et donc de dispersion ».

Cercle vertueux

« Sur les 15 dernières années, le taux de nitrates a, sur certaines rivières, été divisé par deux. On partait de loin, il y en avait beaucoup trop ! ». De près de 100 mg/litre en moyenne sur le Guillec et l’Horn dans le Nord-Finistère, la teneur a chuté à 60 mg/L. Sur l’Ic, à Binic (22), la concentration est passée de 70 mg/l à 41 mg/L. Même évolution sur le Quilimadec (29). Situé sur un bassin versant où le système laitier est plus herbager, avec beaucoup de pâturage, le Yar (22), est passé de 33 mg/l à 23 mg/l sur cette même période. Les aberrations de fertilisation ont été gommées. Le cheptel a diminué. Le traitement des effluents et la couverture hivernale des sols ont porté leurs fruits.

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« Il reste encore des efforts à faire au niveau des pratiques agricoles : le semis sous couvert de maïs, par exemple. Les céréales d’hiver, semées tardivement dans la saison, n’absorbent qu’une faible part de l’azote disponible à cette période dans le sol… Les échanges de terres entre agriculteurs, à l’échelle d’un territoire, sont également une voie d’amélioration car ils permettent d’augmenter la surface accessible aux vaches et de favoriser le pâturage ». Sylvain Ballu assure que cette lutte contre le flux de nutriments aura un impact positif.

« En abaissant le taux de nitrates dans les cours d’eau, l’apport sera moindre en été dans les baies. Le développement des ulves sera plus limité et le stock résiduel à l’automne sera moins important. D’année en année, on peut espérer le report de quelques semaines de l’arrivée des algues et donc une moindre croissance au printemps, période très favorable ». Si l’année 2017 n’a pas confirmé cette évolution, la tendance est à la baisse des volumes échoués. « Les marées vertes sont moins importantes qu’il y a dix ans. Elles ont fortement diminué depuis 2009, avec cependant un regain ces deux dernières années. Ce regain ne doit pas nous décourager car il est lié à des facteurs climatiques qui se sont superposés ».

Teneur en azote des ulves

Du mois d’avril à octobre, des survols des baies sont effectués pour connaître les surfaces d’échouage. Au sol, des mesures de biomasse permettent d’évaluer le tonnage d’ulves. Tous les 15 jours, des prélèvements d’algues sont réalisés sur une trentaine de baies. Des analyses sont effectuées pour connaître l’indice d’eutrophisation (teneurs en azote et phosphore des algues). Cette teneur indique si les ulves manquent ou non d’azote. « Le facteur qui peut être limitant pour le développement estival des algues, c’est l’azote. Le phosphore est toujours présent. En baie de Saint-Brieuc, cette teneur dans les tissus est faible ; l’ulve souffre quand l’apport de nitrates par les cours d’eau diminue. Dans l’anse du Dossen (29), la teneur en azote dans les ulves est forte. Le milieu est toujours trop riche ». À défaut de maîtriser les conditions météorologiques, c’est bien sur la limitation des flux de nutriments qu’il faut poursuivre les efforts.

Garder la dynamique

[caption id= »attachment_29433″ align= »alignright » width= »163″]Jean-jacques René, élu Chambre d’agriculture Jean-jacques René, élu Chambre d’agriculture[/caption]

Nous devons poursuivre nos efforts pour éviter les fuites d’azote dans le milieu. Si nous ne le faisons pas, nous subirons des contraintes réglementaires fortes. Le premier programme de lutte (2010-2015) a obtenu des résultats mais le contexte a changé. Le second programme semble plus compliqué : les élus des collectivités, les responsables d’association ne sont plus forcément les mêmes. Ils ne connaissent pas l’histoire, les efforts entrepris. Nous aurons peut-être plus de difficultés à obtenir des financements pour soutenir nos actions agronomiques qui vont dans le bon sens (matériels ou investissements liés à l’herbe, par exemple : autochargeuses, boviducs…). Ces actions ne doivent pas être pénalisantes économiquement, surtout dans le contexte actuel, et doivent aussi répondre au besoin d’anticipation sur d’autres problématiques : production de protéines, stockage de carbone, qualité de l’air. Nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre la dynamique entreprise il y a quelques années.

Jean-jacques René, élu Chambre d’agriculture


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