Économie bleue : un autre modèle agricole est-il possible ?

Volaille, cochons, bovins dans une même parcelle : c’est le concept d’élevage symbiotique mis en place par l’agriculteur allemand. - Illustration Économie bleue : un autre modèle agricole est-il possible ?
Volaille, cochons, bovins dans une même parcelle : c’est le concept d’élevage symbiotique mis en place par l’agriculteur allemand.
Générer 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et des dizaines d’emplois sur 100 ha. C’est la prouesse d’une ferme allemande près de Munich.

Karl Ludwig Schweisfurth est une jeune pousse de plus de 80 printemps. Jeune car, comme les générations montantes, il est pétri d’audace et de liberté. Mais aussi porteur de nouvelles valeurs. Des valeurs à des années-lumière de celles qu’il véhiculait quand il était le grand patron du groupe Herta. Aujourd’hui, dans sa ferme située à Glonn en Bavière, l’ancien industriel pratique l’économie bleue. Un modèle économique conçu par l’entrepreneur belge, Gunter Pauli. À la différence de l’économie circulaire, l’économie bleue vise à répondre aux besoins de base en valorisant ce qui est disponible localement et en considérant les déchets comme une valeur.

Une forme d’agriculture intégrée

Sur sa ferme bio, Karl Ludwig Schweisfurth a adopté ce concept de production et consommation locales, adossé à une culture de territoire. On appelle cela l’agriculture intégrée. La volaille, les porcs, les bovins, les céréales produits sur la ferme sont transformés sur place. Notamment de la charcuterie fabriquée dans la plus pure tradition bavaroise. « Mais pas n’importe quelle charcuterie », précise Gunter Pauli qui met en avant la qualité nutritionnelle du cochon produit à Herrmannsdorfer. « Sa viande est plus riche en oméga 3 que le saumon ! ».

Une viande que l’on peut acheter – chère au kilo, mais moins qu’une viande classique quand on calcule sur la base des nutriments – ou manger sur place dans la taverne brasserie du Cochon qui sert aussi du pain pétri sur place, de la bière… « Le tout à partir de denrées produites sur place ou dans les fermes voisines », explique l’économiste belge.

Commerce et culture

La ferme référence 1 000 produits alimentaires et artisanaux. « 100 000 visiteurs passent chaque année et fréquentent la cour de marché également achalandée par des producteurs locaux ». Mais, si l’on y vient pour acheter ou consommer, l’on vient aussi sur cette ferme de Glonn pour apprendre à faire des saucisses ou du pâté. « Les personnes peuvent s’inscrire à des cours ». Ou assister aux débats qui y sont organisés. Bref, une ambiance de cité grecque dans la campagne allemande. « Cette ferme est la source d’inspiration pour la Blue Economy. Karl Ludwig Schweisfurth est un homme qui porte une histoire et un projet inspirant », résume l’entrepreneur belge qui a participé et animé les Blue Deiz organisés à Quimper les 6 et 7 septembre.

Un fer de lance pour les jeunes

Ces Blue Deiz s’inscrivent dans une réflexion prospective engagée par la Cornouaille depuis deux ans. Avec cette question centrale : « Quelle économie demain dans cette partie occidentale de la Bretagne éloignée des centres de décision et qui ne peut donc compter que sur elle-même ? ». En dépit des critiques qu’il assume, Jean-François Garrec, président de la CCI métropolitaine Bretagne Ouest Quimper, croit en l’étoile scintillante de l’économie bleue qui invite à aller au-delà de ses peurs en sortant des sentiers battus, et qui au final génère de la créativité. C’est son fer de lance pour les jeunes. « Nous avons le devoir de préparer l’avenir de nos territoires. De faire en sorte que nos jeunes puissent travailler au pays ».

Certes les exemples de la Blue Economy explorés au cours de ces deux journées ne sont pas tous des sauts sur la Lune et reproductibles à l’identique. Mais ils invitent à la réflexion, à la projection dans le futur, à l’audace. « C’est vrai, en agriculture, cette façon de bien produire et de mal vendre atteint ses limites », reconnaît André Sergent, président de la Chambre d’agriculture du Finistère, organisme consulaire partenaire. « Mais je reste les pieds sur terre car depuis la Guerre, c’est toujours le prix bas pour le consommateur qui a prévalu. Mais pourquoi pas ce type de projet agricole en Cornouaille. Il est complémentaire de l’agriculture que nous pratiquons ».

Le « consommer autrement »

Une ferme similaire à celle de Karl Ludwig Schweisfurth développée en Cornouaille pourrait être une véritable vitrine pour l’ensemble des savoir-faire locaux, qu’ils soient agricoles, alimentaires, artisanaux. « Nous observons bien que le consommateur est à la recherche de qualité, de traçabilité. J’ai appris récemment que 70 % des produits achetés par les Suédois proviennent de leur propre territoire », s’étonne encore Michel Guéguen, président de la Chambre des métiers du Finistère. Un phénomène qui s’amplifie et qui illustre bien que le « consommer autrement » est en ordre de marche. C’est tout le pari de l’économie bleue.

[caption id= »attachment_29665″ align= »alignright » width= »143″]Charles Van Der Haegen, fondation Zeri Europe Charles Van Der Haegen, fondation Zeri Europe[/caption]

« Acteur de notre territoire »

L’économie actuelle est celle de la multitude. La Blue Economy prône l’économie de territoire, de la qualité et de la diversité. Il faut redevenir acteur de notre territoire et de notre environnement. La Blue Economy part à l’envers de la science que l’on nous a apprise ; c’est pourquoi elle déstabilise. Pour ma part, je vous invite à devenir des entrepreneurs pour le bien commun. Pour changer la conscience des gens, il faut faire, multiplier les partenariats gagnants. C’est comme cela que l’on avance et pas en lisant des livres ou en participant à des conférences.Charles Van Der Haegen, fondation Zeri Europe


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