Les contraintes liées au bien-être animal sont de plus en plus fortes. Elles n’émanent pas de la réglementation mais des consommateurs. Elles peuvent être un levier pour vendre plus et mieux.
Les nombreuses conférences sur le bien-être animal au Space, les badges « lait de pâturage » fièrement arborés, les cases maternité liberté présentées par tous les équipementiers de la production porcine témoignent d’une tendance lourde. Une telle profusion de signes d’affection pour nos veaux, vaches et cochons aurait choqué il y a seulement deux ou trois ans. La mise aux normes inutile et dispendieuse des cages de poules pondeuses a profondément marqué les esprits. Pour une première fois, la demande sociétale a dépassé la réglementation. Le phénomène risque de se reproduire. Les autres filières animales doivent-elles anticiper ? Prendre en compte les demandes des consommateurs sur le bien-être pour développer les ventes, y compris à l’export ? « Nous n’avons pas à rougir mais nos systèmes doivent évoluer » répond André Sergent, président de la Chambre d’agriculture du Finistère, lors d’un débat au Space.
Étiquetage sur le bien-être
« Les Chinois construisent des élevages de 24 000 truies, sur plusieurs étages, avec toutes les normes de bien-être appliquées dans les élevages français, pour produire un porc standard. D’autres pays sont sur ce même modèle. Nous devons faire plus en termes de bien-être et en faire un facteur de compétitivité économique », estime Maximilien Rouer, Agriculture et société. Léopoldine Charbonneaux, CIWF*, parle de changement de paradigme. « Nos petits élevages français ne produisent pas mieux, en termes de qualité et de bien-être animal, que ces gros élevages étrangers. C’est bien la preuve que c’est le système qu’il faut changer. Le rendez-vous raté des mises aux normes en pondeuses doit nous interpeller ».
Pour accompagner cette évolution, elle milite pour un étiquetage clair et précis des modes d’élevage, à l’image de ce qui se fait dans la filière œufs. « Le consommateur pourrait choisir en connaissance de cause ». Maximilien Rouer renchérit : « La révolution digitale facilitera l’étiquetage et permettra d’affecter un prix en fonction de divers critères, dont le bien-être ». Le numérique permettra aux consommateurs de trouver, en quelques clics, des informations sur le produit, sur l’élevage fournisseur, de le visiter en 3D… Il ne s’agira plus seulement de produire et de vendre mais de créer un lien durable entre éleveurs et consommateurs. « La grande distribution a également tout intérêt à proposer des produits différenciés. Sinon, d’autres circuits de distribution les proposeront, notamment les sites de vente en ligne ».
Consentement à payer plus
Des enquêtes montrent que le consentement à payer le bien-être animal est plus important que bien d’autres critères. Une donnée que les filières auraient tort de négliger. Elles doivent construire ensemble pour se différencier. Patrice Leloup, Triskalia, rappelle le risque de dispersion des informations, susceptible de noyer le consommateur. « Nous devons expliquer ce que l’on fait de manière pédagogique. Multiplier les démarches serait contre-productif. Actuellement, un consommateur fait son choix de barquette de jambon en trois secondes. Il faudra donc un système simple de gradiants pour le bien-être ». André Sergent déplore le manque de communication.
« En Bretagne, les vaches pâturent quasiment toute l’année mais on ne le disait pas ». Le label « lait de pâturage » devrait le satisfaire. S’il ne rapporte pas beaucoup d’argent aux producteurs, il aura au moins le mérite de protéger le marché interne et de sécuriser les ventes. « Nos élevages hors sol sont aux normes mais ils ne répondent pas aux nouvelles attentes de la société. Il faudra évoluer ». La diminution de la chute de la consommation de viande, notamment de porc, est peut-être à ce prix.
[caption id= »attachment_29906″ align= »alignright » width= »160″] Anne-Charlotte Dockès, ldele[/caption]
Certaines pratiques sont non acceptables pour les citoyens
Les éleveurs gardent une bonne image dans la société. Les citoyens ont confiance en eux et les jugent plus crédibles que les associations « welfaristes ». Mais l’image de l’élevage s’effrite depuis 2010. L’élevage est un sujet méconnu mais qui intéresse. Les gens ont des opinions très tranchées. 59 % des citoyens sont insatisfaits des conditions de vie des animaux de rente. Un Français sur deux qualifie l’élevage d’industriel. 14 % déclarent envisager de cesser leur consommation de viande. 18 % envisagent de la diminuer. Ces consommateurs sont surtout des femmes. Une grande majorité veut un étiquetage sur le mode d’élevage (plein air ou pas). Pour demain, les explications seront essentielles mais certaines pratiques resteront non acceptables pour les citoyens. Il faudra co-construire des systèmes rentables et vivables pour les éleveurs et présentables aux citoyens. Anne-Charlotte Dockès, ldele
*Organisation dédiée au bien-être des animaux de ferme.