L’évolution des activités sur les exploitations agricoles implique un investissement collectif pour le maintien de l’exonération des taxes foncières.
Les exploitations agricoles doivent répondre dans des délais courts à des défis économiques, environnementaux, d’adaptation aux marchés. Pour ce faire, elles commercialisent des produits plus élaborés, développent des activités accessoires et se regroupent parfois par volonté ou nécessité. Le prolongement de l’activité agricole de base, l’addition de nouvelles activités ont-ils des effets sur l’exonération des taxes foncières des bâtiments affectés à l’usage agricole ?
Les bâtiments concernés par l’exonération
La jurisprudence précise que : « l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des bâtiments d’exploitation rurale s’applique aux bâtiments affectés à un usage agricole, c’est-à-dire à la réalisation d’opérations qui s’insèrent dans le cycle biologique de la production animale ou végétale, ou qui constituent le prolongement de telles opérations ». Par affectation à usage agricole, il convient de valider son utilisation et non sa nature originelle. Ainsi, un bâtiment industriel à l’origine, transformé en stabulation sera exonéré. Par activité agricole, on retiendra comme en matière de bénéfices agricoles, les cultures, l’élevage, l’aviculture, l’ostréiculture, la pisciculture, la mytiliculture, les activités équines.
On notera que la manipulation et la transformation de ses propres produits agricoles ne remettent pas en cause l’exonération car ils constituent en principe le prolongement de l’activité agricole de l’exploitation. Cette précision a été validée plusieurs fois pour les opérations de vinification, de conservation ou manipulation des vins. Dernièrement, la fabrication de produits pharmaceutiques à partir de produits agricoles est entrée dans cette catégorie. De ce fait, les abattoirs ou les entrepôts utilisés pour les seuls produits de l’exploitation bénéficient aussi de l’exonération. Il faut rajouter, qu’un bâtiment qui ne sert plus à une exploitation rurale sans être affecté à un autre usage conserve son exonération.
Les limites de cette exonération
L’adaptation au marché peut avoir de multiples facettes. Le développement de circuit court, engendre le plus souvent la commercialisation en direct de ses propres produits agricoles. L’organisation d’une telle démarche nécessitera aussi une modification de l’offre par la création de nouveaux produits provenant de l’exploitation agricole mais aussi d’autres exploitations ainsi que la mise en place de partenariats économiques ou financiers pour valider le projet. Cette démarche va avoir un effet sur les processus de production, de transformation et de commercialisation et mettre à l’épreuve de fait l’affectation permanente et exclusive à un usage agricole des différents bâtiments supports.
Des jurisprudences récentes précisent que la transformation de produits agricoles achetés à des tiers dans “une proportion importante’’ (29 % dans le cas cité) faisait perdre l’exonération au bâtiment utilisé. En se prononçant ainsi, la jurisprudence ne donne pas un seuil précis mais il y a lieu d’être attentif et de considérer que des achats ponctuels de faibles quantités et notamment justifiés par des circonstances précises, aléas climatiques, sanitaires… ne devraient pas remettre en cause l’exonération.
De plus il faut prendre en compte la perte de l’exonération en cas d’utilisation simultanée ou alternative à une activité agricole et à une activité non agricole (transformation de produits agricoles achetés à des tiers) dans un même bâtiment. Toutefois, la partie du bâtiment clairement identifiable restant utilisée de façon exclusive à l’activité agricole pourrait continuer à bénéficier de l’exonération. Il y a lieu de préciser que l’incorporation d’une activité commerciale dans le bénéfice agricole est sans effet sur la perte de l’exonération des bâtiments utilisés pour cette activité.
À SAVOIR
Hervé Conan / Cerfrance Brocéliande