Comme en 2016, les éleveurs de l’EARL Moisan à Janzé (35), sont fiers de retourner à Rennes : « Un concours au niveau très relevé devant un public de connaisseurs ».
Suite à une première participation au Space l’année dernière, Invitée (Aubray x Primate), devrait retrouver en septembre l’enceinte du parc des expositions de Rennes. Après avoir vêlé début mars, « contrôlée à 33,5 kg de lait par jour à 33,9 de TP et 39 de TB, elle démarre bien sa 2e lactation », jugent Marie-Anne et Bernard Moisan, ses propriétaires installés à Janzé (35). Sa première campagne, prometteuse, avait été bouclée à une moyenne de 6 519 kg sur 305 jours, à 35 de TP et 43 de TB.
Le couple prend plaisir à sortir cette jeune vache qui appartient à une « souche maison » présente dans l’élevage depuis les années 60 et le début du travail de sélection des parents de Marie-Anne. Dans cette lignée, les collectes de Venise au début des années 90 ont donné un certain nombre d’embryons permettant notamment la naissance de sept femelles sur l’élevage. « Démultiplié à l’époque, ce rameau doit ainsi concerner 25 % du cheptel actuel. Il descend de la vache Vabien. Un mâle mis en service il y a quelques années, Gaspard, en était issu également », racontent les éleveurs. Ces derniers apprécient particulièrement cette « famille de belles vaches qui produisent du lait avec des taux et vieillissent bien. »
Une vache moderne qui intéresse les jeunes
La mère d’Invitée est sortie pour plusieurs concours départementaux. « Mais la fille est plus intéressante : son père Aubray a rapporté de la musculature, de la mixité », précise Bernard Moisan. « Invitée représente ainsi bien le standard de la race, l’objectif de mixité de la Normande : épaisse, avec un bon flanc en plus d’une mamelle et d’aplombs de qualité, les marques de fabrique de cette souche. Une vache qui produit du lait et permet ensuite de bien valoriser la viande à la réforme en visant 400 kg de carcasse. » Ses notes de pointage résument bien ses points forts : 87 points en note globale (synthèse morphologique), « un très bon » 8 en mamelle, 7 en format et 7 en musculature.
Pour les deux passionnés de Normande, en temps de crise, cette mixité se révèle toujours un filet de sécurité important. « Sur la dernière période, nous avons touché autour de 40 € / 1 000 L de plus par rapport à la moyenne des exploitations laitières en Ille-et-Vilaine grâce aux taux. À la réforme, on récupère
0,5 € / kg de carcasse grâce à l’atout mixité de la race… »
Aux yeux de Bernard Moisan, trésorier du syndicat Normande 35, les progrès réalisés en sélection sur les aplombs et les mamelles au fil des années permettent aujourd’hui à la race d’être parfaitement adaptée à la conduite en grand troupeau et en logettes. « C’est une vache moderne qui valorise bien les fourrages, notamment l’herbe pâturée, et est peu sensible aux problèmes métaboliques ou aux retournements de caillette. Taillée pour les exigences de l’élevage actuel, beaucoup de jeunes s’intéressent aujourd’hui à la race… »
Génotyper pour mieux accoupler et rassurer les acheteurs
Depuis deux ans et demi, à l’EARL, toutes les femelles nées sur l’élevage sont génotypées. « L’objectif est d’obtenir des informations pour optimiser les accouplements en choisissant le mâle le plus adapté et augmenter la pression de sélection. On détecte ainsi des animaux à bon potentiel dès l’âge d’un ou deux mois, dont certains que nous ne soupçonnions pas. » Comme Laguyane (Orléans) sortie récemment à 160 d’Isu, « une surprise », et ainsi retenue par le schéma de sélection d’Évolution dans le cadre d’un « contrat stratégique ». Collectée deux fois, elle a offert 12 embryons. Quatre ont été commercialisés, les autres vont être posés sur l’élevage. « Le génotypage permet d’avancer plus vite. De trier les femelles à sélectionner les moins intéressantes qui peuvent devenir des receveuses. De rassurer aussi les acheteurs sur les ventes », estime le couple qui a déjà commercialisé des animaux lors des fameuses ventes PMS.
Jolis souvenirs sur les podiums
Par ailleurs, l’utilisation de doses de semences sexées sur les génisses a augmenté la proportion de naissance de femelles. « Cela permet de vendre quelques vaches en lait à des prix corrects. C’est un bonus non négligeable pour le revenu de l’exploitation. » Cette année, via Synergie Normande, plusieurs animaux sont par exemple partis pour le Sénégal (en mars, plus de 600 génisses sont parties vers le Sénégal, le Maroc, la Tunisie…) et le Morbihan.
À ce titre, Marie-Anne et Bernard Moisan participent aux concours par amour « des belles vaches et pour faire la promotion de la race Normande », ils savent aussi qu’un animal qui brille sur le ring « met tout l’élevage en avant » et peut faciliter le commerce . Au cours de leur carrière, quelques récompenses leur ont laissé de beaux souvenirs : « Une première place de section au National de Morlaix pour Discrète en 1994. À Paris en 2005, une autre première place avec Titine et le prix de Meilleure fromagère de Majesté. Ou plus récemment, une 2e place avec Hatout au Salon en 2016… » Un prix à Rennes les enchanterait.
[caption id= »attachment_29189″ align= »aligncenter » width= »720″] Bernard Moisan, qui a jugé plusieurs départementaux et le Space en 2010, apprécie les progrès réalisés sur le poste mamelle chez lui et à l’échelle de la race grâce à la sélection et au vêlage précoce. « Cette primipare a mis bas à 26 mois. Son pis est soudé au corps, l’attache arrière est de qualité. Avant, les mamelles étaient plus lourdes, elles bougeaient davantage au cours de la carrière. » Joujou est un fille du taureau génomique Fuseos Isy qui vient d’être remis en service.[/caption]
Les ficelles du vêlage précoce
« Nous recherchons un premier vêlage jeune », confient Marie-Anne et Bernard Moisan. L’âge moyen à la mise bas se situe à 31 mois à l’échelle de l’OS et 30,6 mois en Ille-et-Vilaine. À l’EARL, il tourne autour de 26 mois. Depuis cinq ans, le couple a travaillé spécifiquement sur la question. « Lors de rendez-vous techniques en élevage, nous avons constaté que le vêlage précoce fonctionnait parfaitement en Normande. » Pour se lancer, les éleveurs ont adhéré un temps au contrôle de croissance pour trouver les bons repères. Désormais, ils
suivent le développement des génisses de manière autonome. « Nous contrôlons systématiquement les croissances au ruban barymétrique. » Objectifs : 200 kg à 6 mois et 400 kg vers 17 mois pour la mise à la reproduction. « Si par hasard à 6 mois, les animaux ne sont pas au poids, on reconcentre un peu la ration. »
Période improductive réduite
L’amélioration de l’âge au premier vêlage est sans doute aussi liée aux progrès de la conduite des veaux. Sur la phase 0 – 6 mois, il y a longtemps eu des problèmes de diarrhées précoces en période hivernale et de coccidiose pénalisant le développement des génisses. « Cela faisait mal au ventre de perdre un joli veau… Depuis que nous vaccinons les mères avant mise bas et que les jeunes ont un aliment 1er âge anti-coccidien, il y a une nette amélioration de la situation. Les animaux démarrent mieux et cela se répercute aussitôt sur le poids à 6 mois. » Les taries ont également changé de régime : trois semaines avant terme, elles sont isolées sur un parc sans herbe et reçoivent 3 kg de MS de maïs ensilage, de la paille et un minéral spécifique (Baca négative). « À l’arrivée, ces changements portent leurs fruits : les nouveaux nés sont plus vifs, les pertes de veaux et les frais vétérinaires ont diminué et nous avons quelques animaux à vendre. »
« L’élevage des génisses coûte cher sur un élevage. En réduisant cette période improductive, chaque mois gagné est un gain économique. Cela permet aussi d’avancer plus rapidement en sélection génétique », insistent Marie-Anne et Bernard. « Et surtout faire vêler jeune ne pénalise pas du tout la production laitière ou le poids à la réforme. Au contraire, cela joue en faveur de la santé des mamelles moins sensibles à l’œdème et qui restent bien collées tout au long de la carrière. »