On a cru que l’on aurait échappé. Que le ciel aurait oublié. Mais depuis le 10 octobre, cette insoumise bruine d’automne, dense et collante, a fini par arriver. Arriver pour faire la fête annuelle du chocolat sur le bitume en se fondant avec la terre décrottée des crampons agricoles. Une réjouissance campagnarde annuelle pour les automobilistes qui tentent d’abord le slalom pour épargner leur rutilant véhicule.
Quand soudain, croisant un camion de tout son long, la blanche voiture immaculée se fait éclabousser d’un nappage marron. Au premier assaut boueux, le chauffeur file direct à la douche. Moussage, lavage, rinçage, cire, redonnent à l’adulée auto son lustre d’antan. Étincelant comme au premier jour, le phaéton chromé peut à nouveau filer vers d’autres horizons radieux.
Quand au détour d’un virage le voilà de plein pneu dans la queue d’une comète bourbeuse. Dans la nébuleuse brune, l’auto blanche vire marron. La voilà une nouvelle fois dégoulinante comme un porc émergeant de la fange. Pas aussi téméraire que l’hermine acculée au bord d’une mare boueuse qui préféra faire face au renard qui la poursuivait plutôt que de salir sa fourrure, le pilote choisit à présent de bifurquer sur la hauteur d’un chemin philosophique: «L’homme fut un assemblage d’un peu de boue et d’eau. Pourquoi la femme ne serait-elle pas faite de rosée ? » (Le diable amoureux, Jacques Cazotte).
Aller, roulez carrosse, fangeux dehors, rayonnant dedans…