La France envisage, par la voix de son président, une réforme « décomplexée et inédite » de la Pac qui devrait aussi lui permettre de négocier l’avenir de l’UE sans avoir à défendre bec et ongles le budget agricole européen au détriment d’autres priorités.
Dans un discours fleuve pour « la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique », Emmanuel Macron préconise, sans tabou, une réforme de la Pac « décomplexée et inédite » permettant de
protéger les exploitants « face aux aléas du marché et aux grandes crises », de favoriser une « grande » transition écologique en les aidant à « évoluer pour construire une agriculture plus responsable », de mettre fin à la « suradministration » et de laisser « plus de flexibilité au niveau des pays » afin d’accompagner de manière plus souple les filières partout où des choix qui restent des choix collectifs de terrain sont nécessaires.
Un certain désengagement
Les propos du chef de l’État seraient aussi, selon les observateurs à Bruxelles, le signe d’un certain désengagement dans la défense traditionnelle française du budget de la Pac, afin d’avoir les mains plus libres pour négocier d’autres priorités. Le 22 septembre, au Copa (organisations agricoles de l’UE), dont il venait d’être réélu vice-président, Henri Brichart, 1er vice-président de la FNSEA, avait, devant les journalistes, tenu à souligner qu’une baisse de ce budget ou un cofinancement des paiements directs serait « un très mauvais signal », qui plus est paradoxal pour un dirigeant qui veut plus d’Europe. Et deux jours plus tôt, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, avait, elle, adressé à Emmanuel Macron une lettre le mettant en garde contre toute tentative de « frilosité ou de repli » face aux « inquiétantes idées de renationalisation de la Pac qui, hélas, foisonnent ».
Évoquant la « crise des œufs », le président français a suggéré la création d’une « force européenne d’enquête et de contrôle pour lutter contre les fraudes, garantir la sécurité alimentaire, assurer le respect des standards de qualité partout en Europe ». Il a salué dans ce contexte la volonté de la Commission de Bruxelles de
« mettre fin partout en Europe au double standard alimentaire ». « Nos récents débats sur le glyphosate, les perturbateurs endocriniens montrent la nécessité d’une évaluation scientifique européenne plus transparente, plus indépendante, d’une recherche mieux financée qui permet d’identifier les risques et de proposer des alternatives », a-t-il également déclaré.
Une politique commerciale « refondée »
Emmanuel Macron prône un marché unique plus simple et plus protecteur.
« Quelle Europe en 2024 ? ». Répondant à cette question, Emmanuel Macron s’est prononcé pour un marché unique plus simple et plus protecteur, associé à une politique commerciale refondée dans trois directions : la transparence dans les négociations et la mise en œuvre des accords commerciaux ; l’exigence sociale et environnementale ; la réciprocité, avec un procureur commercial européen chargé de vérifier le respect des règles par les concurrents de l’UE et de sanctionner sans délai toute pratique déloyale.
« Je ne veux pas de nouvelles discussions commerciales avec les règles d’hier, qui nous ont conduit à ces situations absurdes que nous avons aujourd’hui sur l’accord entre l’Europe et le Canada », a-t-il ajouté.
Le chef de l’État a par ailleurs suggéré une Commission européenne « de 15 membres », souhaité que le Royaume-Uni puisse, un jour, « trouver la place qui est la sienne » dans une Union ainsi refondée, invité l’Allemagne à un « partenariat nouveau » et proposé de « lancer dans les prochaines semaines un groupe de la refondation européenne » qui « accueillera les représentants de chaque État membre volontaire et associera les institutions européennes ».