À 34 ans, hors cadre familial, Guillaume Robin s’est déjà installé deux fois. Il ouvre ses portes ce mardi 2 octobre pour en parler.
« J’ai toujours rêvé d’être éleveur », raconte Guillaume Robin, producteur de lait à Mûr-de-Bretagne (22). « Mais « s’installer », cela ne veut pas dire grand-chose. Ce qui est important, c’est choisir : sa production, de travailler seul ou en société, avec ou sans salarié, en système intensif ou extensif, prendre en compte sa vie de famille… Tout cela participe à un bon équilibre personnel. » Le jeune homme connaît d’autant bien le sujet qu’il s’est installé deux fois.
Décortiquer personnellement les chiffres
La première fois, BTS en poche, il a sauté sur l’occasion de reprendre une ferme et entrer dans un Gaec. « Je sortais de l’école. Je n’avais pas de recul sur la gestion. Je manquais de maturité. Un conseiller s’est occupé de mon dossier, des objectifs économiques… Mais une installation, il faut se l’approprier. Se remettre en cause, décortiquer soi-même les chiffres en détail. » L’aventure a duré cinq ans : il est sorti de la société « dans de bonnes conditions » grâce à des associés sans doute déçus mais arrangeants. Cet épisode ne l’a pas dégoûté de l’agriculture, bien au contraire. « Je savais désormais exactement ce que je voulais : travailler seul, décider, calculer, prendre mes décisions… Et surtout traire des vaches en exploitant au maximum l’herbe. » Il s’est alors donné quatre ans pour trouver ce qu’il cherchait : une référence de 300 000 L sur 65 ha groupés pour développer le pâturage et une maison à proximité pour s’établir en famille.
Au Répertoire départ installation (RDI), le jeune homme identifie les structures qui pouvaient coller à ses attentes. « Au téléphone, je sondais la personne. On fait vite le tri entre ceux dont la priorité est d’installer un jeune et ceux qui veulent vendre au plus offrant… Les cédants doivent être clairs dans leur tête : on ne peut pas laisser un repreneur s’engager, y croire avant qu’il ne se voie souffler la reprise par un voisin qui a surenchéri au dernier moment. »
« Le juste prix »
Après quelques coups de fil infructueux, Guillaume Robin sonne chez Jean-Jacques Poezevara. Un homme de conviction, bien connu dans les Côtes d’Armor pour son engagement d’ancien président de la FDSEA. « Nous nous sommes rapidement donné rendez-vous pour qu’il me fasse faire le tour du propriétaire. L’exploitation correspondait à mes critères. Lui avait réfléchi son projet de transmission, c’était très clair dans son esprit. » Au-delà de sa volonté de passer le relais à un jeune, il avait déjà « son prix ». « Un juste prix », insiste le producteur de lait. « J’étais à la recherche d’un prix économique, en rapport avec la rentabilité de l’atelier. Car derrière un simple chiffre, il y a les conditions : installations fonctionnelles en l’état ou pas, bâtiment saturé ou non, structure du parcellaire, niveau des comptes courants associés… »
En 2012, un mois après leur rencontre, ils décident de se faire confiance. Guillaume entre d’abord comme salarié pour entamer un passage de témoin progressif en travaillant un moment à deux. « Pour que ce soit viable, j’ai demandé 100 000 L de lait à produire en plus et rallongé de deux postes la salle de traite. Dès le départ, il m’a dit : « C’est toi qui pilotes », et m’a donné les clés pour amorcer mon projet. » Idéal puisque le repreneur avait son cap : produire le maximum de lait en maîtrisant le coût alimentaire pour générer de la trésorerie et partir du bon pied. Pour sécuriser le système, il mise d’abord sur une augmentation des surfaces en maïs pour avoir des réserves alimentaires pour 65 vaches.
Une stratégie assumée
Plus de temps pour ma famille
Quatre ans et demi après son installation (février 2013), Guillaume Robin reporte du stock fourrager d’une année sur l’autre et dispose de ressources disponibles. « J’ai mis de côté au fur et à mesure, ce qui m’a permis d’autofinancer certaines choses et de limiter les annuités. Si j’avais investi dans une stabulation neuve, je n’aurais pas la liberté de choisir aujourd’hui. » Son cap est très clair : 60 000 € d’EBE pour 18 000 € de prélèvement privé annuel et 7 000 € de marge de sécurité.
« Depuis l’installation, je n’ai pas compté mes heures, sans rien d’extraordinaire techniquement. J’ai poussé le système au maximum en saturant les bâtiments pour me mettre à l’aise financièrement. Et malgré le contexte laitier morose, j’ai dépassé mes objectifs économiques. Dans mes plans, j’ai aussi toujours intégré le coût du remplacement pour pouvoir prendre deux semaines de vacances et quelques week-ends. » Aujourd’hui, il réfléchit à livrer un peu moins de lait en espérant profiter davantage de sa famille.
[caption id= »attachment_30010″ align= »alignright » width= »211″] Lucile Habert, Conseillère transmission Chambre de Bretagne[/caption]
1 an pour une installation
Les cédants doivent s’inscrire tôt au Répertoire départ installation. On conseille deux ans avant la retraite, surtout si tout n’est pas calé (point MSA, valeur de l’exploitation…) C’est important d’anticiper car on ne trouve pas forcément un repreneur rapidement. Cela dépend de la production, de la situation géographique… Et puis, une fois la personne rencontrée, pour une installation, compter un an de préparation, de passage de témoin qui peut passer par un parrainage. Et si le prix de vente de la structure n’est pas en accord avec la valeur économique, cela traîne. Il y a aussi des cédants qui ne se sont pas préparés à partir et qui ne trouvent jamais le repreneur idéal parmi les candidats. Lucile Habert, Conseillère transmission Chambre de Bretagne