Une légende a longtemps couru en Bretagne qu’un commercial agricole n’hésitait pas à boire du glyphosate pour convaincre les agriculteurs de son innocuité. La légende est morte.
Le légendaire buveur de glyphosate voulait-il nettoyer sa tuyauterie en effectuant cet acte de bravoure qui, s’il était un jour avéré, tient plus de la cupidité que de la vulgarisation intelligente ? Même s’il est vrai que la première fonction de cette molécule découverte en 1950 était détartrer les tuyauteries.
La molécule baptisée du nom barbare N-phosphonomethyl-glycine a en effet le pouvoir de fixer les métaux et les rendre solubles dans l’eau. C’est aussi ce pouvoir de dissoudre certains éléments minéraux dans le sol qui est accessoirement reproché au glyphosate aujourd’hui. Un effet qui serait toutefois vérifié quand les doses épandues sont importantes, comme en Amérique du Nord et du Sud où le désherbant est utilisé à plus haute dose sur les cultures OGM. Alors qu’en Bretagne, les doses sont souvent minimes, parfois seulement de l’ordre de 1-2 L/ha.
D’abord perçu comme magique
On doit l’utilisation du glyphosate en agriculture au chimiste John E. Franz qui découvre la propriété assez inattendue de la molécule d’empêcher les plantes de fabriquer des protéines. Aujourd’hui, on l’oublie trop souvent : dans le monde agricole où la lutte contre les « mauvaises herbes » fut, un combat continu et éprouvant pour agriculteurs – pendant des générations des familles entières se sont épuisées à manier la binette et le pousse-pousse –, disposer enfin d’un produit aussi efficace a longtemps tenu de la magie et de la délivrance. D’autant que pour un agriculteur, avoir une « terre propre » (sans rumex, sans chardon, etc.), c’est une satisfaction personnelle de travail bien fait et une reconnaissance de ses pairs que l’on est un bon paysan.
Soupçons de génotoxicité dès 1999
C’est en 1999 que les premiers doutes commencent à peser sur le Roundup. Le produit, réputé ne pas contaminer l’os que Rex déterre dans un jardin traité au Roundup, est soupçonné d’être génotoxique (responsable de lésions dans l’ADN). Le professeur gallois, James Parry, incite la firme américaine à effectuer des études plus poussées sur les formulations commerciales de l’herbicide. Ce n’est pas la molécule seule qui interférerait sur les gènes mais son association avec des surfactants, ces produits ajoutés à la molécule glyphosate pour permettre à l’herbicide d’adhérer aux feuilles des plantes.
De là va démarrer une foire d’empoigne entre la firme Monsanto et les scientifiques. Mais aussi entre scientifiques eux-mêmes. Le glyphosate est classé « probablement cancérogène » par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Un panel d’experts de l’Organisations des nations unies pour l’alimentation et de l’alimentation et de l’Organisation mondiale de la santé estimant pour sa part qu’il est improbable que le glyphosate soit cancérigène par voie alimentaire. Plusieurs agences de sécurité sanitaire, de protection de l’environnement ou d’agriculture ont rendu des avis similaires dont l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Afsa) et l’Agence américaine de protection de l’environnement.
Dans ce débat contradictoire nécessaire en démocratie se sont invités moult lobbies aux intérêts divergents, portés par des médias qui ont trouvé là le sujet à forte audience. Quant à l’agriculteur, il reste planté dans son champ et ne sachant plus trop quoi penser d’un débat où s’entrecroisent vérité et mensonge et où s’opposent forts intérêts économiques et volonté réelle de préserver la santé publique.