OGM et traité au glyphosate, le soja importé cristallise le mécontentement de la Coordination rurale qui réclame des moyens pour assurer l’autonomie de la ferme France en protéines.
« À quoi cela rime d’importer massivement du soja pour nourrir des poulets congelés et exportés à des prix dérisoires qui ne laissent rien aux producteurs ? », s’interroge Véronique Le Floc’h, secrétaire générale de la Coordination rurale, devant les hangars de stockage du port de Lorient. « Nous produisons, en France, 9 millions d’hectares de céréales. 40 % du volume est exporté à prix bradé vers des pays tiers (Maghreb, Égypte, Soudan, Iran…). Nous concurrençons ainsi les agriculteurs de ces pays et nous créons de la misère. Pour produire ces volumes, les aides de la Pac atteignent 2 milliards d’euros. L’Europe devrait utiliser cet argent pour produire des protéines ! ».
Nous sommes volontaires pour produire des protéines végétales
Les responsables du syndicat fustigent le manque de cohérence de la politique de l’Union européenne. La grande majorité des États membres interdisent la production de plantes génétiquement modifiées et prévoient l’interdiction du glyphosate. Dans le même temps, elle importe 32 millions de tonnes de tourteaux de soja OGM, chaque année, « dans lesquels on retrouve des teneurs élevées en pesticides », créant de fortes distorsions de concurrence. « Si le glyphosate pose problème aux élus européens, alors toutes les importations de soja, de maïs, de colza et de coton OGM (utilisé pour produire des gazes stériles, des tampons hygiéniques..) doivent être interdites », estime Bernard Lannes, président de la Coordination.
Produire les protéines
Le taux de dépendance en protéines de l’Europe est proche de 70%. « Les importations massives de soja déstabilisent notre agriculture et rendent les éleveurs totalement dépendants. Nous sommes pourtant volontaires pour produire les protéines végétales dont nos élevages ont besoin ». En France, le ratio de la surface cultivée en oléoprotéagineux sur la surface totale des grandes cultures est de 18 %. Il est proche de 40 % aux États-Unis, 45 % en Ukraine ou de 69 % au Brésil. Pour assurer de bonnes rotations dans les régions de grandes cultures, ce ratio devrait être de l’ordre de 30 %.
En Amérique latine, d’où provient la majorité du soja, l’intensification de la culture pose de sérieux problèmes, tant techniques que de santé publique. Le syndicat demande une réforme de la Pac pour encourager la production de protéines « même si des cultures comme les protéagineux et la luzerne sont économes en intrants et ne font pas marcher le commerce… ». Des cultures, qui, ces dernières décennies, ont bénéficié de peu de travaux de recherche et dont les surfaces ont fondu. « En 50 ans, la France a perdu plus d’un million d’hectares de luzerne, victime de capitulations dans les accords commerciaux qui font la part belle aux importations de tourteaux ». Dans l’attente de réels progrès en matière d’indépendance en protéines, Bernard Lannes, exige des produits importés « un niveau de qualité au moins équivalent au nôtre ».