Des éleveurs bretons témoignent de la difficulté d’une exigence d’amélioration continue trop rarement reconnue à sa juste valeur. Pour eux, la question de la réduction de la consommation d’antibiotiques est un exemple symbolique.
« À l’époque de notre installation il y a 30 ans, les frais vétérinaires étaient de l’ordre de 500 à 600 € par mois chez nous. Aujourd’hui, en consommant moins d’antibiotiques, ils atteignent 1 000 € mensuels liés à l’augmentation du coût des médicaments et du tarif horaire de nos vétérinaires partenaires. Parmi les spécialités les plus utilisées en production laitière, le prix de certaines molécules a été multiplié par deux ou trois sur la période », constatent, un peu amer, les trois associés d’un Gaec dans le Finistère.
L’un d’eux a calculé qu’en 2001, « à l’époque du franc », ils dépensaient 59 € par vache et par an pour les antibiotiques, les anti-parasitaires et les honoraires d’intervention du praticien. « En 2016, nous avons atteint 95 € en consommant beaucoup moins. » Et de déplorer : « Vue la rentabilité de nos ateliers, désormais, nous avons tendance à appeler le véto qu’en cas d’extrême nécessité, peut-être parfois au détriment de la santé des animaux. Et ce qui est encore plus dommage est qu’ausculté plus tôt, pour un cas grave, le malade récupérerait plus rapidement et le traitement coûterait au final moins cher. » Un cercle vicieux.
Moins d’antibiotiques mais plus de dépenses
« Nous faisons beaucoup d’efforts pour utiliser moins d’antibiotiques », martèlent les producteurs de lait. Le plan EcoAntibio notamment le réclame pour réserver au maximum les molécules dites critiques pour la médecine humaine. « Mais malheureusement, rien ne retombe dans notre poche. Nous ne sommes pas récompensés », regrettent-ils. « Et malgré cela, nos dépenses de santé ne diminuent pas. Par exemple, quand une vache fait de la température, les pratiques se sont reportées vers l’usage d’anti-inflammatoires et de produits préventifs. Des spécialités qui, bien sûr, se paient… »
Certains médicaments « qui marchaient » ne sont quasiment plus prescrits par les vétérinaires. « L’hiver dernier, nous avons perdu trois veaux à cause de colibacilles. Par le passé, des antibiotiques très efficaces auraient permis d’éviter l’hécatombe. Mais aujourd’hui, les vétos ont même du mal à les utiliser en 2e intention. » Le travail sur le tarissement sélectif pour éviter le recours à l’antibiotique intramammaire chez les vaches saines se poursuit, « mais le choix des obturateurs de trayon coûte aussi cher… »
Le pédicure pour des vaches à 100000 kg
Pour limiter les fameux « antibios » et l’incidence des pathologies, les associés mettent en avant toutes les pistes explorées et les changements de pratiques adoptées, « leur recherche perpétuelle de mieux ». Depuis qu’ils ont opté pour un passage du pédicure tous les neuf mois, des vaches du troupeau « dépassent les 100 000 kg de lait produits en carrière ». Ils se disent aussi « très satisfaits » de l’utilisation de « probiotiques à base d’algues et d’argile » dans l’alimentation des veaux, depuis bientôt trois ans. « Distribué les 15 premiers jours de vie, une période capitale, cela nous coûte 7 € par animal. Depuis, le marchand de bétail trouve nos mâles très en forme et nous les achète sensiblement plus cher. Et les femelles sont plus dynamiques, plus résistantes au stress du sevrage par exemple… Pour elles, la phase de 0 à 6 mois est cruciale : une génisse de renouvellement qui subit une grosse diarrhée prend un mauvais départ et ne vêlera pas à deux ans. »
Les éleveurs voient aussi dans la sélection génomique un moyen de limiter demain les frais vétérinaires. « Le génotypage nous permet de trier les génisses de renouvellement. Nous ne voulons pas garder les souches trop sensibles aux mammites cliniques. Une femelle notée – 1,5 sur ce critère sera accouplée en croisement industriel. » Autre pratique en faveur « de vaches qui récupèrent plus vite », au vêlage, les associés apportent des seaux (« jusqu’à six pour certaines ») d’eau « toujours tiède » additionnée de poudre à base de vitamines et de sorbitol. Un travail quotidien donc, sans relâche, pour construire cette somme de petits détails qui à la fin doit faire la différence.