La culture de miscanthus offre de réelles avancées environnementales, car la plante produit une forte biomasse, sert à un paillage écologique pour les paysagistes, et intéresse les chasseurs pour son effet couverture. Le miscanthus retient aussi les sols pendant l’hiver.
Sur l’exploitation de Jean-Michel Gaude, une culture particulière est venue modifier les pratiques, les habitudes et le paysage de l’élevage. À la tête de poulaillers contenant des poulets sexés, l’aviculteur a fait le choix de planter du miscanthus, pour répondre à son besoin de paillage. « Nous avons essayé de la paille broyée à 7 % d’humidité, des copeaux de bois ou des causses de sarrasin. Nous introduisons aussi du miscanthus broyé, mais il n’y a pas de solutions miracle », témoigne- t-il. « Chacun doit trouver sa litière ». Dans les bâtiments, le producteur anticipe les demandes sociétales, avec notamment un éclairage par lumière naturelle, une litière produite sur la ferme et un sol non bétonné, laissé en terre.
Un pari sur l’avenir
Au mois d’avril, la plantation du miscanthus s’est étalée sur 4 jours, pour atteindre 9 ha de la sole de l’exploitation. « Nous l’avons planté comme une pomme de terre, en buttant derrière, dans un sol bien ressuyé. C’est une culture qui demande beaucoup d’eau, nous avons arrosé à hauteur de 10 mm à l’implantation ». Une fois que les végétaux ont fleuri, les feuilles commencent à tomber pour créer un tapis au sol. Une forme de couverture qui limite l’érosion et les pertes d’éléments nutritifs. « Le miscanthus est ensuite broyé en février, la récolte pourra alors se faire en 2e année ».
La densité de 2 plants par m2 permet d’espérer un rendement de 15 tonnes de matière sèche à l’hectare. « Les points négatifs sont les coûts d’implantation et le stockage : le miscanthus broyé pèse 120 à 150 kg /m3. Sur nos 9 ha, cela représente avec un rendement de 20 t/ha une capacité de stockage de 1 500 m3 ». Jean-Michel Gaude s’est alors équipé d’un bâtiment avec ventilation naturelle pour recevoir ce broyat. D’un point de vue économique, la plantation aura coûté 3 000 € /ha. Si un désherbage est absolument nécessaire en première année, en étant particulièrement vigilant vis-à-vis du chiendent, plus aucun traitement n’est ensuite nécessaire pour la culture durant les 20 années où les champs seront exploités. Aucun traitement chimique ne sera alors pulvérisé sur les parcelles.
Les chasseurs ont le sourire
Cette couverture permanente offre de nombreux services éco-systémiques à la société : avec ces hautes tiges qui accueillent les chevreuils, elle devient un lieu de repos pour le gibier. « Les chasseurs ont le sourire », aime résumer Jean-Michel Gaude. Si les sangliers se plaisent à gîter dans le miscanthus, ils n’iront pas abîmer les cultures voisines.
Et la plante a aussi des avantages technologiques, car elle est dotée d’un pouvoir d’absorption 3 fois supérieur à de la paille. « Un des problèmes que connaît le monde agricole reste la pénurie de main-d’œuvre. Avec le miscanthus, nous devenons peu gourmands en main-d’œuvre ». La litière est alors bien pourvue dans les bâtiments, avec un bon matelas qui limitera les risques de coccidiose.
[caption id= »attachment_31514″ align= »alignright » width= »166″] David Rolland, Technicien à la fédération de chasse des Côtes d’Armor[/caption]
Une zone de tranquillité
Le gros intérêt du miscanthus reste sa faculté de couverture. Une fois les maïs récoltés, il ne reste plus grand-chose pour abriter les animaux. Les lièvres, perdrix, chevreuils, sangliers ou faisans vont s’y plaire, même si sur le plan nutritif, la plante n’est pas consommée. Pour le faisan, nous avons lancé une expérimentation sur le bassin versant du Sulon, avec des dernières introductions en 2012. Depuis, le seuil de 50 reproducteurs présents en sortie d’hiver nous permet de parler de population naturelle. Le miscanthus sert en période hivernale, mais aussi pendant les phases de reproduction. Des espèces de passereaux migrent aussi vers cette culture en quittant les roseliers.
David Rolland, Technicien à la fédération de chasse des Côtes d’Armor
Un bilan carbone très bas
Situé à la pointe finistérienne, Karel Kaptein, gérant de la SARL Bigoud Génération, connaît parfaitement les vertus du miscanthus, étant producteur de plants. « Je la réserve pour les bassins versants, en bordure de cours d’eau, ou dans les zones humides. Certains produits chimiques demandent un éloignement des rivières de 25 m. Le miscanthus pourrait être une solution pérenne pour les dispositifs végétalisés permanents (DVP) ».
Des réflexions sont en cours pour intégrer cette espèce dans les Surfaces d’intérêt écologique (SIE). Mieux, le stockage du carbone permis par la plante originaire d’Asie est très favorable, ainsi que son impact environnemental. Le pouvoir calorifique de l’herbe à éléphant est supérieur à celui du bois. « 1 ha de miscanthus représente l’équivalent de 7 000 L de fioul », explique Karel Kaptein. Elle ajoute : « Le miscanthus a un effet nettoyant sur les zones polluées par les métaux lourds ».
Si les aviculteurs l’utilisent, « c’est aussi les cas des communes, pour le paillage des massifs. Au pH neutre, il n’acidifie pas les sols comme les écorces de pin. Là aussi, le bilan carbone est très intéressant, la distance entre les lieux de production et d’utilisation est très faible ». Quand les agriculteurs se mettent à livrer des solutions pour l’embellissement des centres- villes et autres bourgs, leur rôle d’acteur de la création du paysage prend tout son sens.