Rencontre avec une jeune agricultrice qui est passée de l’étude des gastéropodes marins à la production d’escargots fermiers gros gris, en créant Escargots des Enclos.
Laure Noel est une éleveuse à la tête d’un troupeau de 200 000 bêtes à cornes. Dans cette ferme hélicicole située à Lampaul-Guimiliau (29), pas de hangar, ni de meuglements. Pas de production laitière ou de viande. La jeune femme est spécialisée dans l’élevage d’escargots. Avec l’aide de son compagnon Gauthier Schaal, la Finistérienne fait grandir ces animaux au déplacement lent. « Nous recevons les naissains en mai, que nous lâchons dans les parcs. Après 4 mois de croissance, les escargots ont atteint leur taille adulte », confie-t-elle. Un développement accéléré, là ou un escargot sauvage mettrait 2 ans à atteindre cette taille adulte. Bichonnés, les animaux avec la maison sur leur dos profitent de toute l’attention de leur éleveuse, arrosage compris.
[caption id= »attachment_31539″ align= »aligncenter » width= »720″] Laure Noel peut compter sur ces chats, efficaces face aux attaques de rongeurs.[/caption]
Cinq chasseurs veillent au grain
Au début de leur vie, les gastéropodes sont relativement fragiles : ils risquent à tout moment d’être la cible de divers oiseaux, et des filets de protection sont alors nécessaires. Laure Noel s’appuie également sur une armée de 5 chats, qui sont vigilants aux attaques de rongeurs. Enfin, et pour éviter toute fuite, le troupeau brouteur est maintenu dans les parcs à l’aide d’un grillage électrifié, « comme pour les moutons, mais taille escargot », sourit l’éleveuse. Sur la durée de croissance, le cheptel va diminuer, avec des pertes de 30 à 50 % : les victimes auront fait le régal de rouges-gorges, de grives ou d’étourneaux très friands de leur chair.
Pour nourrir tout ce petit monde, les parcs sont ensemencés en colza, radis, trèfle ou encore plantain. « Le colza et le radis servent aux escargots à se coller grâce à leurs grandes feuilles, et sert donc de support naturel, d’abri et de mangeoire. Le trèfle et le plantain assurent la couverture du sol, pour éviter que les escargots ne se noient ». Les gastéropodes croquent à pleines dents ces végétaux et leur alimentation est complémentée par du blé, du lin, de la luzerne et de la féverole. « Nous ajoutons du calcium pour solidifier la coquille ». En se fournissant chez des producteurs de blé français, Laure Noel distribue la céréale sous la forme d’une farine, de taille adaptée à la bouche des colimaçons.
L’approvisionnement en matières premières locales est une priorité pour l’éleveuse. Si sa production n’est pas écoulée sous un label biologique, elle qualifie son activité d’agriculture raisonnée. « Nous n’utilisons pas d’herbicide, les parcs sont désherbés à la main ».
[caption id= »attachment_31538″ align= »aligncenter » width= »720″] Les parcs sont électrifiés, pour éviter la fuite des escargots. Des filets empêchent les attaques d’oiseaux.[/caption]
Du bigorneau à l’escargot
L’activité de production est relativement récente, débutée cette année. Auparavant, l’hélicicultrice a mis ses connaissances en biologie marine au service de divers établissements français ou anglais. Ainsi, « je travaillais sur les interactions entre les gastéropodes marins et leur régime alimentaire, et comment les stimuler pour développer leur croissance ». Ces connaissances sur le bigorneau et autre patelle ont donné envie à la chercheuse de quitter ce milieu marin pour celui des gastéropodes terrestres.
Une préparation aux petits oignons… de Roscoff
Une fois sa taille adulte atteinte, l’escargot va fabriquer une petite casquette sur le bord de sa coquille. Il ne grandira plus. Pour le ramassage, des plaques sont posées dans les parcs. « L’escargot aura toujours tendance à aller vers le haut ». Il suffit ensuite de les décoller.
Les mollusques vont par la suite subir un jeûne, afin de vider le contenu de leur intestin. « Nous les plaçons ensuite en estivation, pendant quelques semaines ». Un souffle d’air sec oblige les animaux à créer un opercule. Enfin, les escargots sont placés en hibernation, en faisant descendre la température ambiante. L’opercule s’épaissit. C’est après cette période que les sujets sont ébouillantés et décoquillés. « L’hépatopancréas est retiré, les chairs sont soigneusement lavées au vinaigre et au gros sel, pour retirer la bave et les résidus. La cuisson est ensuite réalisée au court-bouillon, comprenant des épices et des légumes ».
Difficile d’en savoir plus sur cette recette secrète, « chacun ayant la sienne ! ». Les escargots sont enfin recoquillés, et farcis avec différents beurres. « Nous proposons des recettes classiques au beurre persillé, mais aussi au roquefort, et je développe une recette à base d’algues marines et des oignons rosés de Roscoff ».
[caption id= »attachment_31537″ align= »aligncenter » width= »720″] Les croquilles se mangent entièrement. Laure Noel développe différentes saveurs : en persillade, au roquefort, ou aux oignons rosés de Roscoff.[/caption]
Tout est beau dans l’escargot
Si ces diverses saveurs subliment les escargots, Laure Noel s’attache aussi à développer d’autre forme de présentation. Les croquilles, petits biscuits en forme de coquille d’escargot, permettent de manger l’escargot en apéritif. Il existe aussi « des escargots marinés, ou l’escargotine : l’escargot qui se tartine ». Une façon de varier des tapenades en été. Mais la jeune femme souhaite aller plus loin, en invitant plus souvent l’animal sur la table. « Le pic de vente se situe en période de fête. Le prix de vente acceptable permet de ne pas le réserver à la fin de l’année, pour une consommation plus régulière ». La douzaine d’escargots est facturée 6,5 €.