C’est un peu comme une ritournelle. À peine une réforme de la Pac est-elle mise en œuvre qu’une autre se profile. Les agriculteurs ne s’emballent plus face à ces annonces cycliques car ils savent que tout se décide dans la citadelle de Bruxelles ; et que consultation n’ouvre pas droit à décision. Ils savent aussi que la politique agricole qui était le socle commun du projet européen à sa fondation n’est plus la priorité ; en témoigne ce souhait récent de la Commission de céder la gestion de la Pac aux pays membres. Comme souvent, délégation vaut aveu d’abandon de précellence.
Labourage et pâturage ne sont donc plus les mamelles de l’Europe. La princesse phénicienne a d’autres défis à surmonter au XXIe siècle : révolution numérique, défense, question migratoire. Sans compter que le Brexit va amputer le budget européen de 10 %. Bref, c’est bien d’une nouvelle donne budgétaire et d’une refondation du dessein européen dont il s’agit.
Comme dans un budget de famille, quand certaines recettes baissent, que de nouvelles dépenses voient le jour et que les besoins évoluent, il faut rogner sur certains postes pour viser l’équilibre. C’est ainsi que Bruxelles a imaginé tailler dans les aides Pac. Les scénarios les plus draconiens évoquent une baisse de 30 %. Le plus probable est que la Commission coupe la poire en deux : 15 %. Pour amortir le choc, le président Junker suggère de soulager la douloureuse ponction par du cofinancement national. Encore faudra-t-il que les États disposent du budget nécessaire.
À défaut, cette nouvelle Pac 2021-2027, qui se décide aujourd’hui, aurait le double désavantage d’amputer sérieusement les revenus et de réinventer les distorsions de concurrence entre agriculteurs des différents pays de l’Europe.