Des ateliers sonores sont proposés à de jeunes handicapés par un animateur du centre de découverte du son de Cavan (22). Cette première expérience révèle des effets bienfaiteurs, déclenche des interactions nouvelles entre eux et avec leurs éducateurs. Enthousiasme, plaisir, confiance. La musique a décidément des vertus infinies.
Une dizaine de clochettes sont posées sur un banc. Dans la salle de motricité de l’IME les Genêts d’or, Sébastien Toinen prépare son matériel d’animation et accorde sa guitare folk en attendant les participants. Alexis, Mathias, Jean, Anna, Maxime, Nathalie, Nicolas, Léa et Chloé entrent d’un pas décidé, le sourire jusqu’aux oreilles et vont s’asseoir posément.
C’est la quatrième semaine de suite que ces adolescents participent aux ateliers sonores ; le jeudi c’est sacré désormais ! L’échauffement de la séance commence en ronde, on bouge la tête, le cou, les mains et on énonce des voyelles comme si on mâchait un chewing-gum-gum-gum. Le buste échauffé, on vocalise aux sons des différentes cloches avant d’entonner, en mouvement, une chanson très rythmée. Chacun se met dans le bain à sa manière, même avec quelques intermittences pour certains.
Distribution de tubes de toutes les couleurs, émettant des sons plus ou moins graves et des variations selon qu’on enlève ou pas le bouchon. L’expérience sonore est des plus amusantes, c’est incroyable ce que l’on peut faire avec quelques objets… Et quelle coordination !
La séance se poursuit en chansons avec un enthousiasme très net pour « La Mouche » qui déclenche des rires. Sébastien reprend la guitare pour clore, entonnant une version tranquille de « Clandestino » de Manu Chao. Trois quarts d’heure sont passés l’air de rien et, à l’évidence, beaucoup de plaisir a été partagé.
Lâcher-prise bienfaiteur
« C’est ce qu’on attend de cette expérience qui leur permet de casser la routine. Leur vie est très cadrée, la nouveauté peut être un facteur de stress compliqué. Là, on les découvre dans une situation nouvelle avec des interactions nouvelles, on constate un lâcher-prise bienfaiteur », soulignent Céline, Valérie et Solen, éducatrices. « Dès la deuxième séance, on a constaté des progrès importants. »
Sébastien Toinen, animateur au centre de Découverte du Son à Cavan (Côtes d’Armor), est le chef d’orchestre. Il s’est laissé guider par ces professionnelles pour concevoir ses interventions et propose ses outils. « C’est la première fois que je fais des ateliers pour des handicapés. C’est une relation particulière qui m’a plu tout de suite, leur manière de réagir est spontanée », confie le musicien. « J’aime aller vers d’autres publics, c’est enrichissant ».
Il a conçu ces sept séances hebdomadaires de manière évolutive et diversifiée, chacune comprenant six modules de 3/4 d’heure pouvant accueillir de six à treize participants. Au total, près de cinquante jeunes de l’IME, âgés de 9 à 23 ans, en bénéficient. C’est un succès. Quatre groupes sont constitués selon l’âge et le degré d’autonomie. « Il n’y a pas deux séances identiques. Le son provoque des interactions intéressantes entre eux. Ils adhèrent à un canal son ensemble, en situation commune, c’est enthousiasmant .» L’émotion est souvent intense, le musicien le perçoit et s’adapte. Il termine parfois ces journées particulières en émoi.
La sieste sonore est l’un de ces moments singuliers. Il n’est pas aisé à tous de s’allonger durablement sur un tapis en écoutant de la musique douce pour se relaxer. Valérie, Solen et Céline sont là pour apaiser ceux qui n’arrivent pas à se départir d’une agitation. Elles distribuent des caresses à l’aide d’un foulard soyeux sur quelques visages, cet apport de douceur est signifiant. Les plus réticents se posent tranquillement.
Le son créé des interactions positives
L’humour guide les animations suivantes. Le jeu est au cœur de l’écoute, on agite des objets percussifs, du plus grave au plus aigu, on devine. On se concentre sur un mémo sonore. Pas si simple de se souvenir si l’on a entendu le bêlement d’un mouton et l’écoulement de l’eau d’une rivière dans le montage sonore. Mais les encouragements et les clins d’œil de Sébastien portent leurs fruits.
« La musique les accroche bien et nous aussi. Ils nous montrent une partie d’eux-mêmes insoupçonnée, eux aussi se découvrent », observent les éducatrices ravies de voir cette relation revitalisée. Certains ne leur ont jamais semblé aussi souriants.