Jean-Yves Gorin a arrêté la production laitière pour se tourner vers l’ovin. Il retrace le chemin qu’il a parcouru depuis 3 ans, durée nécessaire pour prendre sa décision.
[caption id= »attachment_32190″ align= »alignright » width= »204″] Jean-Yves Gorin, Plémy (22)[/caption]
« Le plus dur, c’est de prendre la décision, faire le premier pas. » C’est, selon Jean-Yves Gorin, éleveur à Plémy (22), la phrase qui résume le mieux les trois dernières années qu’il vient de vivre. Car si cadrer tous les points sociaux, fiscaux, techniques, chiffrer les investissements et visiter des élevages… prend du temps, ce laps de temps réservé à la réflexion « est assez facile ». Le plus dur, c’est de décider. Car ce top départ, ce nouveau défi que l’on se lance est loin d’être anodin. « C’est ma vie de tous les jours. Être agriculteur est un métier que j’aime mais il doit avant tout me permettre de vivre financièrement et faire vivre les miens. Cette décision impacte aussi les gens avec qui je vis : mes parents qui ont travaillé sur cette exploitation, mon épouse, mes enfants… ». Et pourtant, aimant les challenges, il a été jusqu’au bout de sa démarche. Après 20 ans de production laitière, il se lance aujourd’hui dans la production ovine.
Besoin de perspectives
Son outil de production avec ses 50 vaches laitières sur 31 ha était saturé et présentait peu de marges de manœuvre pour optimiser l’atelier sur le plan technique. Alors, avec l’augmentation des charges, comment faire pour conserver un même niveau de revenu ? Différentes hypothèses s’offraient à lui : augmenter les capacités de production, robotiser, créer une société ou réduire la voilure pour passer au régime de micro-bénéfice agricole pour travailler sur l’aspect fiscal… Mais le manque de perspectives dans la filière ne l’incitait pas à investir. « Avec du recul, mes parents produisaient il y a 20 ans 120 000 L de lait, j’en livrais 400 000 L sans gagner beaucoup plus qu’eux », regrette-t-il.
Cependant, si ses enfants n’ont pas exprimé à ce jour la volonté de revenir sur l’exploitation, il souhaitait garder son entreprise. « C’est un refuge, une ressource et une valeur sûre », explique-t-il. « Si j’avais eu plus de surface, j’aurais sûrement opté pour la vache allaitante. À défaut, le mouton correspondait à mon site, c’est un bon compromis. La filière est bien implantée à l’Ouest avec des abattoirs, une organisation de producteurs, de l’appui technique… » Et le marché est porteur.
L’autonomie fourragère recherchée
230 agnelles romanes et 6 béliers charollais, issus de deux élevages sélectionneurs pour maîtriser l’aspect sanitaire, ont ainsi pris position dans l’ancienne stabulation en février 2017. Le premier lot a été inséminé en race pure pour les agnelles de renouvellement. À terme, la troupe devrait contenir 300 à 350 mères. Mais s’il souhaite optimiser son système, « c’est l’autonomie fourragère qui primera et qui, au final, déterminera la taille du cheptel en croisière », insiste-t-il.
Les parcelles groupées autour de la bergerie, une bonne pluviométrie sur des terres sableuses, permettront de maîtriser les charges en basant le système sur la valorisation de l’herbe. Si avec les vaches laitières, 1/3 de la surface était réservé au maïs, ce changement de production lui permet de retirer la culture de l’assolement pour laisser place à plus d’herbe (26 ha) et 5 ha d’orge, céréale qui sera autoconsommée en grain entier. Il a ainsi pu s’engager dans une MAEC 12-70 en mai 2016.
L’agnelage reste à maîtriser
« Les risques financiers sont maîtrisés, l’outil est amorti et il n’y a plus d’emprunts ; côté technique je connais mon outil et j’ai 20 ans d’expérience en élevage derrière moi », se rassure-t-il. La période la plus critique arrive à la fin janvier. C’est, comme en vache laitière, la période des mises bas. Il s’y est préparé à cette période charnière et revient d’une formation sur l’agnelage à Limoges. « C’est la clé de la réussite, immédiatement chiffrable en ovin. Mais si on veut vendre des agneaux, il faut d’abord les faire naître… » Les agneaux seront vendus en Label Rouge au groupement de producteurs Ovi-Ouest. Des recettes attendues, après 1,5 an sans entrée d’argent.