Intervenant à une journée technique sur la pomme de terre, Victor Le Forestier, agriculteur en Seine-Maritime (76), a présenté son système de culture.
En voyant les engins de plus en plus lourds circuler dans les champs, lors des récoltes, on s’inquiète pour les vers de terre et la vie du sol. Victor Le Forestier, agriculteur du réseau Base, en Seine-Maritime, s’est emparé de la problématique. Bénéficiaire d’une bourse Nuffield*, il a voyagé dans divers bassins de production mondiaux pour étudier la cohérence entre la rentabilité des systèmes de production et leur impact sur l’environnement. Il témoignait, en décembre dernier, au lycée Kerlebost, à Saint-Thuriau (56). Il développe depuis quelques années une agriculture de conservation sur son exploitation de 110 hectares, en Seine-Maritime.
Lin et pomme de terre
La photo récente de la rivière qui coule au milieu de ses parcelles a marqué les esprits des agriculteurs présents. Sa couleur brune témoigne de pratiques inadaptées pourtant répandues en amont, qui favorisent l’érosion. Il y a encore de la marge, car le mètre de profondeur de limon assure de bons rendements en cultures. Les problèmes de compaction et d’érosion guident sa conduite de la rotation et le choix des couverts dans une région où peu d’agriculteurs en implantent. La rotation principale sur les 110 hectares de l’exploitation – lin fibres – pomme de terre – blé – betterave sucrière – blé – laisse peu de résidus au sol. Les engins compactent les terres. « Je ne laboure pas les parcelles sauf après betteraves quand elles ont été récoltées par mauvais temps. Je décompacte seulement ».
La bêche et le pénétromètre sont toujours dans la voiture pour appréhender la structure et la vie du sol. « En raison du poids des engins de récolte (automotrice d’arrachage des pommes de terre, arracheuses à betterave, tracteurs et remorques), je commence à voir des horizons compactés au-delà de 30 cm de profondeur. Je m’attache donc à développer la structure du sol pour ne pas séparer les différents horizons ».
Adieu la betterave
L’agriculteur implante des couverts. Des légumineuses avant betteraves, qu’il ne détruit qu’à la mi-avril pour stocker de l’azote et avoir un retour sur investissement. Avant pomme de terre également. « Chez nous, très peu d’agriculteurs en implantent mais les bassins versants commencent à pointer du doigt les pommes de terre en raison de l’érosion et des fuites d’éléments fertilisants ». Le travail en strip-till se développe un peu, notamment chez lui, pour les semis de betteraves, rouges ou sucrières. À l’avenir, la betterave devrait disparaître d’une rotation qu’il juge trop intensive et trop néfaste à la bonne structure du sol. « Je mettrai une deuxième céréale à paille ou un colza ». S’il cherche à améliorer la qualité de ses terres et à limiter les intrants, il faut tout de même noter les rendements : 110 q de blé à l’hectare.
* Parcours international d’études agricoles
[caption id= »attachment_32009″ align= »alignright » width= »195″] Victor le forestier, agriculteur[/caption]
Pas plus de 6 tonnes par essieu
La compaction du sol réduit de 30 % à 60 % le volume racinaire du blé et du colza en raison des passages d’engins. En blé, il peut y avoir jusqu’à 30 % de moins de rendement dans les passages de roues. La charge maximale recommandée est de 6 tonnes par essieu (jusqu’à 10 tonnes en conditions sèches). Au-delà, le sous-sol est compacté à plus de 30 cm de profondeur. L’arracheuse de betteraves en crabe (trois éléments lourds décalés) est pire car toute la surface est compactée (jusqu’à 20 tonnes par essieu, en charge). Il faut savoir que c’est le premier passage de roue qui fait le plus de dégâts avec 70 % du compactage. Les 2e et 3e passages éventuels au même endroit sont du coup moins impactants et 60 % de la parcelle reste intacte. Il y a donc une réflexion à mener sur les passages d’engins. Victor le forestier, agriculteur