À Bréhoulou, l’entrée de la notion d’agro-écologie dans les programmes des filières agricoles (Bac pro CGEA, BTS Acse) n’a pas bouleversé les choses. Pour les enseignants, c’est un prétexte supplémentaire de transmettre aux élèves l’importance d’avoir une vision globale dans l’étude ou la conduite des exploitations agricoles.
« L’agro-écologie pourrait être définie comme de l’écologie agricole dans le but de production », démarre Anne Bouilly, professeur d’agronomie. « Mais depuis son intégration dans les programmes scolaires ces dernières années, je la vois davantage comme une évolution naturelle que comme une révolution. Cette approche, auparavant latente, vient s’ajouter – à la notion de durabilité des systèmes qui était déjà au cœur des enseignements ». En Bac pro CGEA, elle se décline plutôt sous l’intitulé « d’utilisation des ressources communes » comme la terre, l’eau… En BTS Acse, le module agro-écologie s’articule autour du fonctionnement des agro-écosystèmes, au carrefour de différents cours d’agronomie, de zootechnie, de biologie-écologie… « Il illustre bien l’une des forces et spécificités de l’enseignement agricole : l’approche pluridisciplinaire, avec des ponts entre les matières et des partenariats entre les professeurs, pour aborder les sujets complexes. »
« Démontrer sur le terrain que c’est possible »
« L’agro-écologie, c’est un sujet d’actualité. À l’école, on nous en parle tout le temps », expliquent quelques élèves en 2e année de BTS Acse, croisés entre deux cours, peut-être un peu sceptiques. D’autres parmi leurs camarades de classe sont plus enthousiastes : « Alors que les produits de traitement phytosanitaire coûtent de plus en plus cher, on apprend à réfléchir davantage aux opportunités liées au choix du système de production, de la rotation, au désherbage mécanique en fonction de l’historique de salissement ou de la présence de vivaces… » Les enseignants essaient dès que possible de transposer cette notion d’agro-écologie sur la réalité de la ferme de l’établissement à travers des ateliers, projets ou exercices pratiques et concrets. « L’objectif est de leur montrer un maximum de choses différentes et leur démontrer sur le terrain que c’est possible… », explique Stéphane Eugène, directeur de l’exploitation. La structure compte au total 120 ha et plusieurs ateliers (voir encadré), dont un troupeau de Nantaises conduites depuis 2008 sur 30 ha de marais appartenant au Conservatoire du littoral…
« Groupe Déphy et lupin dans le Dac »
« Par exemple, nous participons depuis 2011 à un groupe Déphy animé par la Chambre d’agriculture. » Ce travail de réflexion commune et d’action avec des agriculteurs de la zone sur la réduction des doses de pesticides et l’intégration de solutions alternatives de désherbage mécanique est ensuite vulgarisé vers les élèves. L’agro-écologie est assez naturellement reliée aux cultures, à l’agronomie. « Mais l’animal a sa place aussi dans l’approche. » Dans le cadre du plan Securiprot, depuis trois ans, on cherche à développer les cultures de protéagineux dans l’Ouest. « De notre côté, nous travaillons sur le lupin avec l’idée de faire autoconsommer les graines, après broyage, par notre troupeau de laitières. Au Dac, nous avons substitué 0,5 kg de correcteur azoté et 0,5 kg de céréales par 1 kg de lupin. À l’arrivée, avec les élèves, nous n’avons pas vu de différence sur les performances », rapporte Stéphane Eugène.
Suite à une opportunité saisie auprès de l’intégrateur, l’atelier volaille passera en bio en mai prochain. « Pour accompagner cette évolution, 12 ha sont également convertis en agriculture biologique », expliquent les enseignants. « Cela est l’occasion de proposer aux élèves un travail de synthèse de fin de programme de BTS en leur demandant, par petits groupes, de construire une rotation de cultures jusqu’aux itinéraires techniques qui tient la route en bio. » Concernant le troupeau allaitant, les élèves sont amenés à réfléchir par exemple sur « l’impact du pâturage sur l’évolution de la flore naturelle avec une tendance des prairies à se nanifier… Aurait-on le même effet sur des prairies temporaires ? »
« Armés pour s’adapter »
Pour conclure, les enseignants insistent sur le « gros travail sur la reconception des systèmes » qui est demandé aux élèves, notamment à travers l’idée d’agro-écologie. Chaque problème, chaque question soulevée est « un prétexte à faire du raisonnement agronomique, une entrée de plus pour apprendre à réfléchir. » Anne Bouilly termine : « Nous voulons qu’ils acquièrent une capacité de réflexion globale à l’échelle de l’entreprise agricole. Qu’ils soient prêts, à l’avenir, à faire face à tout changement de contexte lié aux questions environnementales, réglementaires ou de demande sociétale par exemple. Nous voulons les armer pour s’adapter. »