Le changement a été perceptible le 8 janvier. Sous le coup de 18 h. Sans s’annoncer. La nuit, d’ordinaire si prompte à envelopper la campagne de son voile sombre, n’est pas tombée aussi tôt qu’à son habitude. Une lueur plus sensible se diffusait encore dans le ciel à cette heure. Le jour avait vaincu la nuit. Comme chaque année, le changement a été aussi surprenant qu’il est prévisible. Presque magique, tant les jours courts faisaient la loi depuis les longues semaines de novembre et de décembre. La veille encore, la fin de journée faisait grise mine sous sa chape de nuages bas.
Pas étonnant que les paysans d’antan, qui chaque année attendaient ce moment de basculement des saisons avec impatience, parlaient du « temps neuf » : « nevez-hanv » en breton, le printemps. Encore loin de l’équinoxe, la mi-janvier porte en elle les germes de la nouvelle saison. Ou de la « bonne saison » comme l’évoque le latin primus tempus qui a donné naissance au « printemps » contemporain de la langue française, préféré à l’ancien « primever » du XVIe siècle.
Quelques jours plus tôt, les merles avaient anticipé l’événement. Mais les avait-on entendus ? Leurs chants s’étaient intensifiés et enhardis. L’excitation les gagnait. Il leur fallait défendre leur territoire dans la perspective des prochains accouplements.
Encore plus précoces, les chatons dorés des noisetiers pendouillaient déjà depuis deux semaines. Mais les avait-on remarqués ? Le chant des merles et les fleurs des noisetiers sont pourtant les signes annonciateurs immuables de la grande ronde de la Terre autour du Soleil. Celle de la révolution tranquille qui accompagne le changement de saison depuis la nuit des temps.