« Si ça continue, on va manquer d’eau ! » Qui a dit ça ? Qui est ce prévisionniste de comptoir qui il y a encore quelques semaines ponctuait chacune de ses conversations par ce : « On n’a jamais vu ça ». Croyez-vous qu’aujourd’hui il admet s’être trompé sur son pronostic ? Qu’en ce mois d’hiver où la pluie du jour ne cesse de mouiller la pluie de la veille, il s’excuse de pareille imposture ? Non, il continue de ponctuer ses conversations de sa formule préférée : « On n’a jamais vu ça ».
Mais, maintenant, c’est pour accabler les vannes célestes qui ne cessent de déverser leurs flots d’eau sur la campagne détrempée et de gonfler les rivières qu’il l’emploie. Il le dit à la Macron, en faisant bien les liaisons : « Tant-e et tant-e de pluie. On n’a jamais vu ça ! ».
Témoin fidèle et silencieux de ses commentaires alarmistes, son chien Glaw – pluie en Breton pour la bonne raison que Glaw est né un jour de pluie – se moque bien de ces palabres autour de la pluie et du beau temps. Glaw, ce qu’il préfère lui, c’est sans hésitation ce temps breton pétri de vent et de bruine. Il adore !
Il adore vadrouiller dans les champs, bifurquer par-ci pour donner quelques coups de griffe dans un terrier de lapin, se vautrer par-là dans une ornière boueuse laissée par un tracteur, fureter derrière un talus à la recherche d’un cadavre putréfié et puant d’oiseau. Rien de tel pour ravir ce bâtard hideux au poil roux effrité et crotté. Quand enfin il daigne rentrer à la maison, avec toute cette mocheté crasseuse et joyeuse qu’un chien de ville ne connaîtra jamais, ses yeux contrits attendrissent ceux de son maître qui adapte son registre: « Ah quel temps de chien… On n’a jamais vu ça »