Partons de haut. Dans le Discours de la servitude volontaire, La Boétie écrivait : « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres ». Autrement dit, le pouvoir n’existe que parce que sur lesquels il s’exerce y consentent. La réflexion de cet écrivain du XVIe siècle sied comme un gant à la réalité du XXIe siècle. Si 82 % des richesses créées en 2017 ont terminé entre les mains du 1 % le plus riche de la population, c’est bien entre autres parce que le peuple s’asservit volontairement. Quitte à perdre son âme en se jetant sur un pot de pâte à tartiner, comme on l’a vu les semaines passées. Triste spectacle d’assujetti à la société de consommation…
Qui plus est, afficher de tels prix cassés – on devrait dire pulvérisés – contribue à faire croire que l’alimentation n’a plus de prix. Les dernières promotions de viande de porc à 1,27 €/kg s’inscrivent dans le droit fil de cette illusion. Or, en France, il est économiquement impossible de produire du porc si peu cher quand on additionne les frais d’élevage, d’abattage, de première découpe et de logistique.
Dans ce contexte, comment les agriculteurs pourraient-ils croire que les États généraux de l’alimentation, signés la semaine dernière, seront de nature à améliorer leur situation. Quand ils voient des négociateurs commerciaux s’asseoir sur la « charte d’engagement » signée en novembre, ils peuvent légitimement s’interroger sur les motivations qui, demain, pousseraient ces derniers à acheter plus cher des produits agricoles français indexés sur le coût de production alors que le commerce alimentaire est au minimum européen. Comment les agriculteurs pourraient-ils également croire que ce consommateur, qui achète du prix en 2018, va accepter d’ouvrir plus grand son porte-monnaie en 2019.
Douces illusions.