Le 22 février 1964 : « La réunionnite »

Dans les archives de Paysan Breton :

Parmi les maladies dont sont atteints les gens de notre siècle, il en est une qui s’étend de plus en plus. C’est la « Réunionite ». Entendez par là que nous nous réunissons de plus en plus, pour les motifs les plus divers et les plus variés afin de discuter les problèmes qui se posent à nous. Et Dieu sait s’il y en a. Dieu sait aussi s’ils sont compliqués. Et il semble que pour les résoudre, il faut bientôt autant de temps à les étudier qu’à les mettre en application.

La « réunionnite » fait des ravages chez moi comme ailleurs. Je suis appelé à participer souvent à de nombreuses rencontres professionnelles. Mon grand gars et mes filles partent de leur côté pour suivre des sessions à droite et à gauche. Prise sans doute par l’ambiance, ma femme n’hésite pas à son tour à se déplacer de temps à autre. Comment pourrions-nous mener la ferme de façon correcte, s’il n’y avait pas les moyens modernes de travail plus rapides qu’autrefois et pour mon cas personnel, la Cuma dont le chauffeur permanent me rend de grands services.

En 1964, nombreux sont les exploitants qui, comme tout responsable tant soit peu engagés, ne peuvent plus travailler sans carnet de poche. Tel jour, c’est La réunion syndicale, le lendemain, celle des Mutuelles, dans cinq jours, celle des producteurs de patates.

Et on continue par la Mutualité Sociale, le Ceta, le groupement sanitaire de défense, le comice, la Cuma, etc…
Si mon grand-père revenait, il n’arriverait jamais à comprendre qu’un bon cultivateur ne soit pas à bosser du matin au soir, chaque jour, dans ses champs et autour de ses bêtes. Il jugerait très sévèrement les promeneurs qui passent leur temps à discuter au lieu de travailler. Mais nous sommes en 1964. Nos problèmes sont autres que ceux d’autrefois.

Cependant, je trouve personnellement qu’il ne faudrait pas toujours tuer les mêmes. Il est indispensable cependant que notre profession ait des dirigeants dont un certain nombre s’ils veulent vraiment remplir leur mission, doivent être disponibles quasi en permanence pour s’acquitter des charges importantes qui leur ont été confiées par leurs pairs.

Plus, il en est qui ont intérêt à figurer dans plusieurs instances professionnelles afin d’éviter la rupture entre diverses activités et d’assurer une coordination heureuse entre les groupements à vocation spécialisée. Tout cela n’est pas discutable. Je crois cependant qu’au stade local, cantonal et autre, un plus grand nombre de personnes devraient accepter des responsabilités afin de dégager ceux qui plient sous la charge.

Il y a des quantités de gens qui sont capables d’assurer correctement des tâches très diverses et auxquels on ne confie aucune mission. C’est presque toujours vers le même qu’on se tourne en disant : « Il fera bien ça. » Mais au bout du compte il a tellement de choses à faire qu’il n’en fait aucune bien et la marche de son exploitation, comme le reste, s’en ressent. Alors, avis aux gens de bonne volonté afin que la « réunionnite », cette maladie nécessaire du siècle, ne devienne pas trop chronique pour les uns en ménageant les autres.

Pierre Malitourne


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