« Quand je serai soldat »

Lorsqu’en août 1914, le tocsin annonce l’entrée de la France en guerre, les hommes doivent remplir leur devoir pour défendre le pays. Durant toute leur enfance et jusqu’à la fin de la guerre, l’école les a entraînés à cette lourde tâche.

Humiliation. Tel est le sentiment vécu par toute une génération suite à la défaite de la guerre de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine. Jusqu’à la déclaration de guerre en 1914 et durant les 4 années de combat, c’est l’esprit de revanche qui prime. Et quand les tensions se profilent de nouveau en Europe, l’État se prépare. Car les causes de la défaite s’expliquent aussi par le manque d’instruction : non-compréhension des ordres, incapacité de lire… 

Aussi, un enseignement patriotique et militaire s’intensifie vers les années 1880. Il reste 30 ans pour préparer de bons petits soldats et ce, dès leur plus jeune âge. À l’école, les enfants sont conditionnés pour une éventuelle guerre.

L’école, vecteur de propagande

L’État met en place des programmes dans toutes les disciplines enseignées visant à faire haïr l’ennemi et à justifier l’atrocité des combats et la mort. La Marseillaise, oubliée, ressort des cartons et redevient hymne national en 1879. En 1911, son apprentissage est obligatoire à l’école. 

À l’époque, les cours d’histoire ne parlent que de la France, à l’aide d’images d’Épinal vantant les prouesses des héros nationaux : Vercingétorix, Clovis, Charlemagne, Jeanne d’Arc… Les exercices d’arithmétique permettent de calculer la portée d’un coup de canon, la morale religieuse est remplacée par l’instruction civique, portée sur l’ordre, le travail, la discipline, avec une vision guerrière très marquée : « Il faut vivre et mourir pour la Patrie », « Apprends à obéir », « La discipline est une loi acceptée. Elle doit être établie dans la famille, à l’école et dans la vie », etc. Dans la cour, le sport s’apparente à une préparation militaire : les enfants s’exercent au tir avec des fusils en bois. Et le jour de l’examen, c’est un vrai fusil et des balles réelles qui sont distribués aux élèves de plus de 10 ans.

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Les petits poilus de l’arrière

illustration-de-magazine-pour-enfant-1918La déclaration de guerre en 1914 n’est pas une surprise. Ils y étaient préparés. Les jeunes garçons en âge d’être mobilisés ont appris et compris que mourir pour la Patrie est un honneur. Les filles ont, elle aussi, leur rôle à jouer : envoyer leurs mari et enfants au combat et soutenir l’effort de guerre à l’arrière. Cette guerre, les enfants la vivent au quotidien : dans la cour, les jeux militaires deviennent systématiques, imitant leur père ou leurs frères partis au front. Les instituteurs eux aussi sont mobilisés et leurs pertes sont importantes car les régiments bretons sont souvent en première ligne. Néanmoins, ils sont remplacés par les directrices ou des intérimaires.

En campagne, l’absentéisme est de rigueur, les enfants désertent souvent la cour de l’école, pour aider à la ferme. Mais quand ils viennent au village, les journées sont rythmées par la lecture du bulletin de situation militaire des combats et ils sont formés à soutenir l’effort de guerre. Les classes deviennent marraines de soldats esseulés, une personnalisation indirecte des combats pour les enfants avec une fin souvent dramatique au décès du filleul. Les jeunes organisent des quêtes sur la voie publique, à destination de « la journée du Poilu » par exemple, pour approvisionner des colis qu’ils feront parvenir au front. Pour parer aux restrictions avec l’absence des hommes, la baisse des rendements agricoles et les réquisitions pour l’armée, l’État encourage les écoles à cultiver un potager, élever des animaux…

Une Bretagne à éduquer

Entre 1880 et 1914, l’État homogénéise l’éducation sur tout le territoire avec des programmes bien établis. La Bretagne ne fait pas exception. Cependant, à cette époque, la majorité de la population bretonne ne se sent pas encore française. D’origine paysanne et moins instruite, elle ne s’intéresse pas à la vie politique, culturelle et sociale française. Du point de vue de Paris, c’est un obstacle à la politique nationale. Notre région est alors considérée comme une sorte de terre à part, à éduquer. La préparation de la revanche commence donc par le conditionnement des enfants, pour intensifier ce sentiment d’appartenance à une même communauté. Pour cela, dès les années 1880, le premier chantier est de « franciser » la province bretonne.

L’enfant héros

Des enfants fugueurs vont vouloir rejoindre le champ de bataille pour participer à l’effort de guerre. Si, dans la réalité, ils sont généralement ramenés à leur famille, certains martyrs deviendront des héros. En effet, une centaine d’enfants s’illustrent à travers des faits héroïques que la propagande exagère largement. À l’image de Jean-Corentin Carré, jeune Breton de 15 ans, originaire du Faouët (56). Il falsifie son âge lorsqu’il incorpore sous un faux nom le 41e régiment d’infanterie à Rennes (35), avec lequel il rejoint les Ardennes. À sa mort, à 18 ans, son histoire est relayée dans toutes les écoles, devenant le « saint » des écoliers.

Jean-Corentin-Carre

« Les p’tits poilus de l’arrière » :

 
Exposition temporaire au musée-école de Saint-Gonlay (35) jusqu’en décembre 2018.  
Afin de commémorer le centenaire de la fin de la Grande Guerre, Montfort Communauté prépare également une grande exposition (de juillet à décembre 2018), sur la fin de la guerre et le retour à la paix (1918-1925). Si vous possédez des objets ou documents en lien avec cette période, ils peuvent participer à l’exposition. Tous les objets seront restitués à la fin de l’exposition. 
Contact : 02 99 09 77 29 ou cecile.delarue@montfortcommunaute.bzh ou www.musee-ecole35.com


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