Il paraît qu’il n’y a plus de saison. Cette année, comme tous les ans, on l’assurait partout avec conviction. Preuve à l’appui ! Il suffisait de regarder l’herbe de février qui en imposait avec son vert profond digne d’un printemps naissant. On s’amusait à penser que l’hiver avait plié bagages avec un mois et demi d’avance. « Températures dignes d’un mois d’avril », répétaient les bulletins météo. Et parce que la météorologie est une science aussi exacte que la Bourse, personne n’a rien vu venir.
En moins de temps qu’il faut pour le dire, l’hiver a répandu sa chape de froid sur la campagne. Vingt degrés d’écart en trois jours ont fini par calmer les esprits les plus prompts à s’exciter à l’idée d’un été en février. Fouettée par un vent glacial, feue la belle herbe grasse a d’abord viré violette, avant de s’étioler dans une sénescence grisâtre sous ce coup de semonce hivernal. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, les vents ont fini par virer ouest. Il s’est alors mis à pleuvoir des hallebardes. Treize jours d’arrosage intense avec des trombes d’eau à transformer les champs en rizières et les rivières en étang.
La belle herbe, qui quinze jours plus tôt n’était que promesse et richesse, a fini par s’y noyer. Si la pluie daignait enfin s’arrêter, il faudrait trois semaines de beau temps avant de pouvoir rouler sur les blés assurait-on de-ci-de-là, avec cette inquiétude si palpable que tout retard dans les travaux des champs ne se rattrape jamais. Quand un sage paysan ramena chacun à la raison en remettant les pendules de la nature à l’heure : « On n’est pas sorti de l’hiver, tant qu’avril n’a pas montré son derrière ».