En sélectionnant sur le maigre, la filière a délaissé les qualités sensorielles de la viande de porc. Les leviers existent pour remettre un peu de gras et de goût, en segmentant la production.
Bienvenue dans le monde du Piétrain. Le gaillard à la robe tachetée, réputé pour son muscle, a éclipsé ses concurrents dans les verrateries des centres d’insémination. Les grilles de paiement ont encouragé les éleveurs a utiliser un verrat qui laisse peu de place au dépôt de gras. Or l’épaisseur de lard dorsal (ELD) est corrélée au gras intramusculaire qui offre un bel aspect persillé et surtout du goût à la viande fraîche. La filière a-t-elle poussé le bouchon un peu loin en s’orientant vers des produits aussi maigres ? Pour les besoins d’un jambon cuit qui totalise, excusez du peu, 25 % des ventes de charcuteries ?
La question se pose à une période où le consommateur mange de moins en moins de viande de porc. Rôtis et filets mignons n’ont plus la cote, en partie faute de gras et de goût. Les teneurs de lipides dans le jambon et dans la longe sont corrélés. Difficile d’avoir des longes persillées tendres et goûteuses et des jambons sans persillé, qui nuisent à son aspect. Tout n’est pas perdu. La génétique est un axe de travail. « Il existe une grande variabilité entre races », indique Sandrine Schwob, ingénieur à l’Ifip. « Le pourcentage varie de 2 % à 10 % de gras intramusculaire selon le type génétique. La composition des acides gras diffère également ». Les races locales sont très grasses. Chez les races sélectionnées, le Duroc s’en sort plutôt bien. Il présente peu d’ELD et plus de gras intramusculaire que ses concurrents. Sa viande a plus de qualité sensorielle. La variabilité intra-races est également élevée. Les femelles et les animaux non porteurs d’un gène de stress affectant la qualité de la viande (dits NN) sont plus gras. Y compris chez les Piétrains.
[caption id= »attachment_32529″ align= »alignright » width= »148″] Gilles Nassy, Ifip[/caption]
Offrir des alternatives au consommateur
Le consommateur aime le gras car il détermine la qualité sensorielle de la viande. Problème : il ne veut pas le voir, surtout les jeunes. Il est pourtant bon pour la santé quand il est riche en gras intramusculaire avec de l’acide oléique et des omega 3 (acides gras mono et polyinsaturés). Cette richesse donne aussi du goût, axe fondamental sur lequel il faut travailler pour limiter la baisse de consommation. Les éleveurs sauront faire grâce à la génétique, l’alimentation et les conditions d’élevage. Il faudra les motiver par des grilles de paiement adaptées. Passer d’un cochon pour tous à différents types de porcs adaptés aux produits cuits ou secs. Une différenciation, axée sur le goût ou la santé, accessible aux consommateurs. Gilles Nassy, Ifip
Conduite alimentaire
La génétique n’est pas le seul levier. La conduite alimentaire permet de contrôler la vitesse et la composition du gain de poids. Le rationnement, par rapport à une alimentation à volonté, ou la réduction du taux de protéines dans l’aliment ont des conséquences sur la teneur en maigre des carcasses et la composition du muscle. L’incorporation de fibres de coproduits de transformation des céréales diminue le taux de gras corporel à l’abattage et modifie la nature des acides gras. Tout dépend donc de l’objectif recherché.
Du goût sur litière
Le mode de logement a des conséquences sur la qualité de la viande. « L’élevage sur litière accroît l’adiposité corporelle et le gras intramusculaire », indique Bénédicte Lebret, de l’Inra. « Les notes de flaveur des viandes cuites sont supérieures pour les porcs élevés sur paille ». Les températures plus basses et un meilleur accès à l’aliment favorisent la teneur en acides gras insaturés et la qualité sensorielle de la viande. Il en est de même dans les systèmes alternatifs, avec courettes extérieures. En plein air, avec pâturage, la qualité nutritionnelle de la viande est renforcée grâce aux vitamines E et aux acides gras insaturés. « La qualité sensorielle rejoint, dans ces cas, la dimension du bien-être animal. Par contre, la variabilité des performances et de la composition des carcasses est plus forte ». Les labels ont quand même une belle carte à jouer, à un moment où le plan de filière prône une différenciation de 30 % de la production.
Et le mâle entier ?