Les résultats de l’observatoire pérenne des usages d’antibiotiques en production de veaux de boucherie mis en place par l’ANSES[1]-ANMV[2] et l’Institut de l’Elevage à la demande d’INTERBEV veaux en 2015 sont prometteurs. En effet, la première vague de collecte des données fait état en 2016d’une réduction globale de 40% d’utilisation d’antibiotiques dans les élevages par rapport à 2013.
Pour rappel, dans le cadre du plan Ecoantibio 2017[3], la filière s’était fixée un objectif ambitieux pour diminuer de façon significative l’usage des antibiotiques dans les élevages de veaux, un objectif que l’on retrouve également dans son récent plan de filière des Etats Généraux de l’Alimentation. Dans ce contexte, INTERBEV Veaux s’est engagée à poursuivre des démarches de progrès vers des pratiques plus durables, répondant à l’attente des consommateurs citoyens.
L’observatoire pérenne de l’usage d’antibiotiques en production de veau : quelle méthodologie ?
L’observatoire est constitué de 40 élevages. Il repose sur une collaboration active des éleveurs, des firmes intégratrices, des groupements de producteurs et des vétérinaires,avec l’appui des techniciens des chambres d’agriculture. Ces 40 élevages représentent 15000 places de veaux élevés dans des systèmes de production représentatifs des pratiques d’alimentation et de logement observées au niveau national.
Plus concrètement, les données du carnet sanitaire et de la pharmacie sont collectées auprès des éleveurs par l’Institut de l’Elevage, avec l’appui des techniciens Chambre d’Agriculture. L’Institut de l’Elevage recueille également les ordonnances auprès des vétérinaires. Ces données sont anonymisées et transmises à l’ANMV et permettent de calculer différents types d’indicateurs d’exposition aux antibiotiques, dont l’ALEA (Animal Level Exposure to Antimicrobials)
[caption id= »attachment_33458″ align= »aligncenter » width= »356″] Les chiffres ci-dessus, démontrent que le niveau d’exposition des veaux aux antibiotiques est passé de 5.74 en 2013 à 3.41 en 2016-2017, soit une baisse significative de 40%.[/caption]
Prochaines étapes
Après une première étape et des engagements qui ont porté leurs fruits, les objectifs de la filière veaux décrits dans son plan de filière des Etats Généraux de l’Alimentationporteront désormais sur :
- La formation des éleveurs aux bonnes pratiques d’usage limité des antibiotiques: un module spécifique de 2 jours leur sera proposé à partir de septembre 2018.
- L’accès des éleveurs aux nouvelles technologies, en particulier pour faciliter le suivi sanitaire individuel de chaque veau (projet de dématérialisation du carnet sanitaire).
- La santé du jeune veau :Une enquête est actuellement réalisée auprès des éleveurs naisseurs, dans le but d’identifier les leviers à activer pour que les bonnes pratiques soient adoptées à plus grande échelle ;
- Une étude sur les circuits et les conditions de transport de l’atelier naisseur à l’atelier d’engraissement est également lancée.
- L’amélioration des bâtiments d’élevage : la maîtrise de la ventilation et le développement de nouvelles technologies pour assurer la bonne la santé des veaux.
- Poursuite de la R&D afin de mieux comprendre les mécanismes de dissémination de l’antibiorésistance et identifier les alternatives disponibles.
Arnaud Haquin est éleveur dans les Côtes d’Armor depuis 2007. Il élève 543 veaux dans 3 bâtiments organisés en parcs collectifs (de 35 à 60 veaux par parc), sur plancher ajouré en bois, et équipés de distributeurs automatiques de lait (DAL). L’eau est chauffée grâce à une chaudière à bois et depuis 6 ans, des panneaux solaires sont installés sur les bâtiments.
Rigueur, observation et individualisation des traitements constituent le principal levier pour diminuer le recours aux antibiotiques.
« Le système DAL me laisse du temps pour observer le comportement de mes veaux. Je connais par ailleurs exactement la quantité de lait consommée par chaque veau. Lorsque j’ai un doute sur la santé d’un animal, je vérifie la quantité bue et la vitesse de buvée, et je prends sa température. Le traitement antibiotique n’est pas systématique. Un simple anti-inflammatoire permet dans certains cas de faire chuter la température. J’utilise des antibiotiques en dernier recours. Je suis en étroite relation avec mon vétérinaire et mon technicien, qui me fournissent un protocole à respecter pour les principales pathologies. Je tiens à jour un registre dans lequel je note les interventions réalisées sur chaque veau (date, nom, quantité, temps d’attente) ».
Deuxième facteur de réussite : biosécurité et maîtrise de la ventilation
« La maîtrise de l’ambiance des bâtiments est également essentielle. Les grands volumes d’air limitent les contaminations. A ce sujet, je compte investir prochainement dans des ventilateurs à économies d’énergie. J’applique également toutes les consignes de biosécurité recommandées par mon technicien. J’ai installé des pédiluves à l’entrée de chaque bâtiment, je demande aux personnes extérieures de laver leurs bottes et d’enfiler une blouse propre pour entrer dans les salles. J’utilise au final peu de produits pharmaceutiques. Au démarrage, je mets du kaolin(mélange d’argiles blanches) dans le lait pour éviter les diarrhées. J’en propose également à volonté dans des bacs. C’est un produit naturel et peu onéreux. On manque encore de visibilité sur les substances alternatives comme les huiles essentielles. Dans mon élevage, la réduction de l’usage des antibiotiques n’a pas engendré une plus forte mortalité, ni même plus de travail. Le plus difficile finalement a été de changer mes habitudes. Le plus important, c’est d’avoir des veaux qui se portent bien : s’ils sont bien, qu’ils ne sont pas stressés, ils sont moins malades, consomment moins d’antibiotiques et se développent mieux ».Arnaud Haquin
Dates clés
- 2013 : INTERBEV Veaux s’engage dans un plan ambitieux pour réduire les usages d’antibiotiques avec un état des lieux réalisé avec l’ANSES.
- 2015 : La filière veaux lance une campagne de sensibilisation impliquant l’ensemble des acteurs de la filière, avec la signature de la « Charte interprofessionnelle de bonne maîtrise des traitements antibiotiques ». 67% d’éleveurs adhèrent aujourd’hui à cette démarche.
[1] Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail
[2] Agence National du Médicament Vétérinaire
[3] Plan Ecoantibio lancé par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, ayant pour objectif de réduire de 25 % en 5 ans l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire, et notamment ceux d’importance critique.