À proximité de la baie de Douarnenez (29), un couple de passionnés a fait le choix d’élever des animaux un peu particuliers mais très attachants : ils sont à la tête d’un troupeau d’alpagas.
La porte du bâtiment s’ouvre, les animaux sortent. Après ces longues journées froides, ils apprécient de pouvoir se dégourdir les jambes. La démarche est vigoureuse et l’on croirait de dos que ce sont des ours que l’on vient de libérer. Rapidement trahis par leur long cou, les alpagas de Virginie et Yann Kervarec renseignent sur leur origine sud-américaine. « J’ai croisé un jour leur regard, il y a quelque chose d’enchanteur », avoue l’éleveur. Depuis, ils ne se sont jamais quittés.
[caption id= »attachment_33371″ align= »aligncenter » width= »720″] Virginie Kervarec est tombée amoureuse du regard enchanteur des alpagas.[/caption]
Curieux et craintif
Installé à Gourlizon (29), la ferme biologique du Rompay bichonne ses alpagas. « C’est un animal à la fois curieux et très craintif, avec qui une réelle relation de confiance s’installe. En cas de danger, il envisage toujours une option de fuite. Ils ont une très bonne vue et une excellente ouïe ». Le petit camélidé est peureux et sensible à de nombreux parasites. Les pâtures à sa disposition doivent être exemptes de fougère, de lierre, d’écorce de thuya. « Ils sortent tous les jours, sauf en cas de grosse pluie : ils sont sujets à des pneumonies ». Les doux animaux ne sont pas des débroussailleurs, préférant les herbes plus tendres.
[caption id= »attachment_33370″ align= »aligncenter » width= »720″] L’alpaga est craintif et adopte un comportement de fuite si besoin.[/caption]
Non, la laine ne pique pas
Les naissances ont lieu entre mai et juin, quand l’herbe est de qualité et « pour ne pas faire souffrir de la chaleur et du manque d’herbe les femelles ». Les naissances gémellaires sont très rares, et le cria –nom du petit–, est rapidement autonome, à la manière d’un petit veau qui se dresse rapidement sur ses pattes. « Les saillies ne sont pas réalisées avant 2 ans, car l’alpaga reste adolescent avant cet âge. Il faut laisser le temps au temps… ». Le sevrage a lieu vers 7 mois, afin de moins stresser l’animal. Si l’éleveuse finistérienne bichonne ces petits chameaux, avec en retour la reconnaissance et de l’amour qu’ils lui apportent, c’est aussi pour la laine qu’ils produisent. La tonte s’effectue une fois par an, avant l’été.
C’est une période très délicate, des gestes brusques ou une tonte trop longue peut amener à des situations très compliquées, conduisant dans des cas extrêmes à la perte de la femelle et de son petit. « Le prélèvement de la laine est effectué par 1 des 4 tondeurs professionnel français ». Tous les ans, des analyses sont réalisées sur les laines : le micronnage mesure la taille des fibres. « Plus il est élevé, plus la laine pique : la laine a alors une taille de 29 microns ». Dans cette ferme, les valeurs s’établissent entre 14 et 18. « Ils ont le regard aussi chaud et doux que leur laine ». La laine d’alpaga est « 7 fois plus chaude que celle de mouton et 3 fois plus résistante. Elle est anallergique ». Les toisons obtenues représentent entre 500 g et 1,5 kg.
Un travail de « longue à laine »
La qualité des laines se divise en 3 catégories. La première, en provenance des flancs et du dos, sert pour le fil à tricoter. La seconde, récoltée sur le bas ventre et le cou est utilisée pour le feutre. Enfin, la troisième catégorie, plus courte, sert pour du paillage. Le crimp, sorte de zigzag visible sur les fibres, donne de l’élasticité à la laine. « La laine de chaque alpaga est ensachée, suivant ces catégories. Je trie ensuite les toisons, à la main ». Cette longue opération peut prendre d’une demi-journée à 4 jours. Si le feutre est confectionné à la ferme, par un frottement d’eau bouillante et de savon, le fileur crée les bobines qui servent alors au tricotage de mitaines, tour de cou, bandeau et autres bonnets. Les bobines appartiennent donc chacune à un animal. Le client peut alors se vêtir d’un bonnet de laine de Heïdy, ou d’un mélange des fibres ayant appartenu à Daphnée et First, pour des mitaines.
[caption id= »attachment_33372″ align= »aligncenter » width= »720″] Chaque pelote de laine correspond à un alpaga et représente la diversité de couleurs de l’élevage.[/caption]
Le capitaine Haddock avait raison
L’alpaga est une espèce qui sait se faire comprendre. Ainsi, il n’hésite pas à cracher au visage de ses camarades, quand quelque chose le dérange. « C’est aussi un signe de fécondation quand un mâle tourne autour d’une femelle ». Inutile alors de faire appel à des appareils d’échographie. Virginie et Yann Kervarec font partie de l’Union professionnelle France alpaga (Upfa) qui a élaboré une charte et des codes de déontologie entre les éleveurs professionnels. De nombreux thèmes sont abordés, comme la santé, la tonte annuelle ou le transport.
« Il faut absolument que l’éleveur livre ses animaux, afin de s’assurer de la qualité de l’accueil ». Les éleveurs sont aussi vigilants à l’imprégnation des mâles. « Un jeune mâle doit être manipulé le moins possible, sous peine d’être considéré comme un rival à l’âge adulte. L’alpaga est un animal grégaire ; il doit être dans un troupeau de 2 ou 3 individus minimum ». Signe de son attachement avec ses animaux, l’éleveuse-tricoteuse ne se sépare jamais d’eux : tous ses animaux lui ont permis de confectionner son bonnet, multicolore. « Ils m’apportent alors tous leur chaleur ».
Une thérapie avec les animaux
Caresser doucement les alpagas
Les animaux de Virginie seront présents lors du prochain salon Agri Deiz, à Morlaix (29), les 17 et 18 mars prochains. Elle présentera ainsi son travail et les visiteurs pourront admirer les belles robes, caresser les laines douces, en prenant bien garde de ne pas faire de gestes brusques. La ferme biologique du Rompay propose ses créations de vêtements au lieu-dit Kerloes, à Gourlizon (29).