Les cadrages successifs passent du visage de l’éleveur à la gueule de l’animal. Ces regards attentifs, de curiosité, de reconnaissance de part de l’un et de l’autre retiennent l’attention. Et ils percutent d’autant plus le spectateur des villes qui vit désormais dans un monde où le regard est fuyant, où personne ne fait plus attention à son voisin. À cela s’ajoutent les échanges verbaux et les gestes inopinés au quotidien qui montrent l’attachement mutuel, l’empathie qui lie le paysan à son troupeau. Car l’élevage est avant tout un monde d’échange, une relation entre un être humain et le monde animal qui dure depuis plus de 10 000 ans. Et qui fait que la profession n’est pas un métier comme les autres.
L’animal devient humain : il a un rôle d’acteur durant tout le long-métrage. Les traites et le soin aux animaux rythment le quotidien. Chaque incident perturbe la vie sur l’exploitation. Vêlages tardifs, inquiétude face à la maladie, l’éleveur reste à son service, connecté nuit et jour avec son animal. Jouant même de sa vie pour sauver son troupeau face à une épidémie, combattant la peur de perdre en quelques heures le travail de sa vie. Un dévouement total à ce troupeau grégaire… qui amène aussi l’homme à s’isoler de ses pairs. Pas de doute, « Petit Paysan » est un grand film. Il mérite sa consécration. Il décrit avec réalisme et justesse la passion d’un métier. C’est un hymne à la vie agricole.