La moitié du porc bio consommé en France est importée. Sur le terrain, la filière tente de se structurer pour répondre à la demande et cherche le bon équilibre entre groupements de producteurs historiques et nouveaux acteurs.
La filière longue de porc bio en France se situe autour de 100 000 carcasses par an (environ 1 % des abattages). Fleury Michon serait déjà prêt à travailler 100 000 jambons bio par semaine ! Le fossé séparant offre et demande sur ce créneau est immense. « Les seules viandes bio en frigo sont déjà vendues. Il n’y a pas de stock », précise Jean-François Deglorie, animateur technique de la commission bio d’Interbev.
Les groupements conventionnels débarquent
Le Plan de filière proposé par le grand monde du porc, à la sortie des États généraux de l’alimentation (EGA), prévoit ainsi de multiplier par dix la production en une poignée d’années. « Oui, du porc bio, tout le monde en veut. Mais est-ce que tout le monde le peut ? », interrogeait Julien Sauvée, éleveur en Ille-et-Vilaine et vice-président de la Fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab) lors d’un colloque à Ploufragan le 20 février.
Si beaucoup d’observateurs, jusqu’à la FNP, jugent l’objectif bio du Plan « intenable », un vrai mouvement de croissance est bien enclenché. Dans cette dynamique, et ce n’est pas un hasard, les poids lourds du conventionnel se lancent enfin. « Pour nos marques, nous avons été obligés d’importer du porc bio. Aujourd’hui, nous travaillons à la mise en place d’élevages. L’organisation est à flux tiré, dans une logique de contingentement de la production en fonction des débouchés en faisant attention à notre équilibre matière. On vise 1 500 truies en bio, ce qui est modeste par rapport à l’activité de notre coopérative en conventionnel », confie Corentin Hamard, responsable bio à la Cooperl. Carine Maret, directrice de l’Ufab, filiale du Gouessant, qui collecte et transforme de l’aliment bio depuis longtemps en filière œuf, va dans le même sens. « Face à la demande forte, nous nous sommes positionnés récemment. En Bretagne, trois éleveurs ont démarré en porc bio. Quatre installations sont en projet. »
Cependant, les groupements historiques, « 100 % bio », conservent de l’avance. Boris Jeanne, administrateur d’Unébio dénombre : « En porc, nous avons 30 élevages, 50 d’ici la fin de l’année. De 9 000 porcs abattus en 2017, nous en prévoyons 30 000 en 2020. » Bio Direct pèse 37 000 porcs abattus en 2017 dont 50 % du
volume est transformé par ses propres salaisons. Bretagne Viande Bio (BVB) rassemble, lui, 30 éleveurs en Bretagne pour plus de 4 000 carcasses par an.
Déficit en matières premières
Cette dynamique du porc et de la volaille bio renvoie au besoin en céréales, souligne Julien Sauvée. « Une question stratégique » pour Carine Maret. « Il n’y aura pas de développement de l’élevage bio sans développement des cultures bio dans l’Ouest. Raison pour laquelle nous avons recruté un technicien culture spécialisé… Avant d’inaugurer un nouveau site de collecte et de stockage de céréales bio pour 2019. » À la Cooperl, on mise aussi sur « l’agronomie et la formation » au profit des cultures « pour éviter les élevages sans terre ». Tout en dupliquant le partenariat existant en conventionnel avec une coopérative du Centre de la France pour développer une filière alimentation animale française bio. Les contrats éleveurs (sur 10 ans chez le Gouessant, 3 ans glissants à la Cooperl) intègrent d’ailleurs le cours des céréales comme variable du prix de la viande.
Du côté des groupements historiques, on reconnaît que le déficit en matières premières s’accroit. Face à cela, « la création de ponts plus directs avec des coopératives céréalières bio est en cours ». Mais le discours reste tranché : « Le lien au sol est essentiel. » Une autonomie alimentaire de 50 % est généralement exigée quand le cahier des charges européen ne réclame encore que 20 % aujourd’hui. Chez Unébio, le prix du porc est déconnecté de celui des céréales : « D’une part, nous avons beaucoup de fafeurs parmi nos adhérents. D’autre part, nous fixons nous-mêmes, éleveurs, un prix, lisible et stable, pour nos produits. » Même chose chez BVB. « Nous encourageons fortement l’autonomie alimentaire, base d’un projet solide en porc bio. Le prix est discuté et argumenté avant accord du Conseil d’administration qui réunit éleveurs et bouchers. Je peux vous dire combien sera vendu mon cochon dans six mois. Un vrai confort », appuie Jérôme Jacob.
+60% de mises en place de truies en 2018
7 à 10000 € à la truie[caption id= »attachment_33308″ align= »alignright » width= »155″] Carole Bertin, Chambre d’agriculture de Bretagne.[/caption]
En bio, un bâtiment neuf coûte de 7 à 10 000 € la place par truie et la suite. Autre repère : de 550 à 600 € la place d’engraissement. Le réaménagement de bâtiments est donc privilégié, certains étant plus faciles à transformer. La hauteur est importante par exemple pour mécaniser paillage et curage : les charpentes autoportantes sont généralement plus adaptées que les fermettes. Porcherie déjà sur paille, stabulations pour bovins, poulaillers ou hangars de stockage sont souvent plus modulables que des porcheries traditionnelles sur caillebotis intégral. Part d’autoconstruction, prix des équipements intérieurs souvent d’occasion, besoin d’isolation, de ventilation ou de reprise du sol, montant d’achat du bâtiment au départ… Le coût moyen de réaménagement est encore difficile à estimer. Attention surtout aux aménagements au rabais souvent synonymes de perte de temps au quotidien ensuite. Carole Bertin, Chambre d’agriculture de Bretagne.