Dans les archives de Paysan Breton :
Il est parfois instructif de mettre en parallèle le culot monstre de certaines personnes qui prodiguent avec largesse leurs conseils parfois gratuits, mais souvent intéressés, avec la dose de crédulité d’un trop grand nombre d’individus qui, chaque fois, tombent dans le panneau. Il est d’ailleurs à remarquer que les conseilleurs sont d’autant mieux suivis qu’ils viennent de plus loin et qu’ils sont moins connus. Dieu sait cependant ce qu’il en coûte d’être trop crédule.
Les journaux rapportent parfois des faits, heureusement assez rares, de bohémiennes qui jettent ou qui lèvent des mauvais sorts, qui promettent d’indiquer le nom de telle ou telle personne qui vous en veut, etc… et se font récompenser en argent ou en denrées. Si leur action est nuisible, elle ne l’est pas plus que celle de la voisine qui s’immisce de ses conseils dans votre ménage ou voisin qui s’occupe de vos affaires.
Il est souvent utile de demander un avis à des personnes qualifiées dans tel ou tel domaine. Mais c’est à chacun de choisir ces personnes et de solliciter près d’elles le renseignement que l’on désire. Combien parmi nous ne se sont-ils pas laissé prendre aux belles paroles des visiteurs occasionnels de nos fermes.
L’un est venu nous conseiller d’agrandir notre photo de mariage, à moins que ce ne soit celle du grand-père ou de la fille qui est morte. À l’entendre, ça ne coûte rien… ou presque, sauf à la livraison, bien entendu, où l’on paie l’encadrement par le bon bout ainsi que la caricature de l’ancêtre, celle de votre fille ou la vôtre.
C’est un marchand de toile de qualité exceptionnelle à des prix défiant toute concurrence qui vous livre parfois une marchandise non conforme, cet autre qui vous lance dans une culture idiote qui ne peut mieux réussir chez nous que la vigne sur les coteaux du Méné-Brez. Ajoutons à cela les pilleurs d’épargne qui ont tant de fois réussi à mettre à sec les économies de ceux qui les ont crus.
Non, les conseilleurs ne sont pas les payeurs !
Mars pourquoi donc écouter l’inconnu qui passe ? Pourquoi donc ne pas s’adresser à celui-là qui, dans votre localité, peut vous mieux servir sans vous tromper. Car il est sur place, lui. Il ne part pas ; il reste. Si vous avez des reproches à lui faire, il sera là pour les entendre, et c’est pour cela qu’il ne vous trompera pas.
Les conseilleurs ne travaillent pas uniquement sur le plan matériel. Ils travaillent aussi parfois sur le plan de l’esprit, de l’idée, de l’opinion. Le conseilleur est peut-être un homme qui parle. C’est aussi celui qui écrit, car le conseil donné par la presse touche une masse beaucoup plus importante d’individus. Qu’elle est grande alors la responsabilité de celui qui se sert de ces moyens !
À nous mes chers amis, de savoir choisir. Méfions-nous de l’inconnu qui parle de choses inconnues et non vérifiables, de l’utopiste qui veut tout révolutionner, du charlatan qui promet plus de beurre que de pain.
Ne réussit dans notre métier que celui qui a les pieds sur terre et agit avec bon sens. N’écoutons que ceux qui parlent ou écrivent également avec bon sens. Puissiez-vous ranger dans cette catégorie votre camarade qui signe ces lignes.
Pierre Malitourne