Couvert de feuilles en fer de lance cirées d’un vert profond de séduction, il errait depuis des années au ras du sol ; rampant à la recherche d’un arbre avec lequel il pourrait s’amouracher en l’enlaçant de son étreinte végétale. Quand soudain son apex fouineur buta contre l’écorce encore lisse d’un robuste chêne dans la fougue de la jeunesse. Ainsi débuta l’ascension fulgurante d’un lierre en liesse qui n’avait d’autre choix pour se reproduire que de se lier à ce chêne impétueux. L’union insolite était faite pour durer. Le chêne avait-il le choix ? Le lierre agrippé par des milliers de petites ventouses sécrétant une colle puissante ne lâcherait pas prise. Des décennies de vie commune transformèrent cette rencontre fugace en union coriace.
Mais finalement chacun y trouvait son compte. Chaque été, le désormais vieux chêne protégeait de son ombrage la vulnérable liane agrippée à son fût. Chaque hiver, le lierre protégeait l’arbre du froid sous sa dense couverture de feuilles persistantes. Le vigoureux arbre et la tige flexible n’étaient peut-être pas amoureux, mais ils y trouvaient réciproquement un intérêt. Ni amour, ni amitié, mais mutualisme en convinrent les botanistes après moult débats. Cette union improbable en ravissait bien d’autres. Ainsi perché, le lierre fleurissait chaque mois de septembre, offrant en abondance un nectar et un pollen d’arrière-saison aux abeilles butineuses. À la mauvaise saison, nombre de passereaux se réfugiaient sous ce caparaçon végétal en profitant de cet abri pour épouiller le chêne des insectes parasites qui menaçaient son écorce. Puis vint la fin. Quand une tronçonneuse déchaînée coupa court à cette histoire sous prétexte d’une drôle de croyance : qu’un vulgaire lierre est capable d’étouffer un chêne séculaire !