À l’assemblée générale de la FDSEA 22, jeudi 22 mars à Quintin, les témoins se sont penchés sur la question cruciale des femmes et des hommes dans les exploitations demain.
Roger Le Guen, enseignant-chercheur en sociologie et professeur émérite à l’ESA d’Angers, explique que plus d’un agriculteur sur deux qui n’a pas de successeur familial. « Au moment des agrandissements, il y a des changements de destination du foncier avec un recul de la polyculture – élevage vers les productions végétales. En Bretagne, les surfaces à destination incertaine tourneraient autour de 60 %. Cela renvoie à l’existence de difficulté de marché et de revenu. »
Garder une vitalité rurale
L’installation d’enfants d’agriculteurs ne suffit plus à assurer « un tissu vivant agricole demain ». Et d’insister : « Le nombre de candidats au métier venant de l’extérieur est donc amené à se développer pour garder cette vitalité rurale. En fait, il n’y a pas de crise de vocation car le nombre de candidats à l’installation est très dynamique et équivalent à ceux qui partent. Seulement, le contexte difficile empêche de nombreux projets de reprise ou de création de se concrétiser, notamment pour les hors-cadres. » Le sociologue souligne d’autres évolutions significatives : « Une féminisation des chefs d’exploitation, une hausse de la place du salariat à temps complet ou partiel, une activité des services de remplacement ou groupements d’employeurs qui augmente, davantage d’externalisation des tâches vers les ETA ou Cuma… »
À son tour, Luc Smicer, installé en polyculture-élevage dans l’Oise et élu à la FNSEA, insiste sur ce défi posé à l’agriculture. « Dans nos très petites entreprises, le risque humain est le plus grand. En cas de pépin, deux salariés ne suffisent pas à remplacer un chef d’exploitation car ils n’ont pas la capacité à prendre les décisions. » Convaincue, Sylvie Le Clec’h-Ropers, directrice du Sdaec et de Terraliance, enfonce le clou. « Placer l’humain au cœur de l’entreprise agricole aujourd’hui est une priorité, voire une urgence à certains endroits. Notre structure compte désormais 350 salariés. Et nous avons actuellement 40 postes à pourvoir… C’est le besoin criant de main d’œuvre qui a généré ces emplois. Et ça ne suffit pas. La charge de travail est oubliée dans les projets d’agrandissement. Certains agriculteurs arrivent à l’épuisement professionnel… Parfois, des associés ne se parlent plus. Imaginez la place du salarié ou du remplaçant là-dedans. »
Pour tout le monde, la nécessité d’attirer de plus en plus de main-d’œuvre salariée est un passage obligé, peu importe le contexte économique d’ailleurs. Même pour les ETA, la question se complique. « Depuis 4 ans, c’est la pénurie de chauffeurs. Il faut bichonner les personnes qu’on veut capter à la sortie des centres de formation, leur proposer une vraie ambiance dans l’entreprise pour qu’elles restent », témoigne Régis Macé, entrepreneur à Saint-Barnabé. Et Sylvie Le Clec’h-Ropers de conclure : « La surenchère des salaires est une réalité sur le terrain pour capter les meilleurs salariés. De plus en plus de femmes travailleront demain sur les exploitations. Leur bien- être doit être réfléchi dans vos installations, avec des conditions indispensables : sanitaires, lave-mains, coin vestiaire et endroit pour boire un café ou déjeuner à midi… Le salarié doit se sentir bien accueilli car il a le choix de son employeur aujourd’hui. »