La priorité actuelle de l’agriculture est de capter de la valeur. Et une chose au moins est sûre : les agriculteurs doivent compter sur leurs propres forces. Les outils sont là : il faut les saisir.
Quand un feu de broussailles menace de s’étendre, il y a plusieurs façons de l’aborder : fuir en se dispersant et « sauve qui peut » ; étudier le problème sans garantie de le dominer ; se regrouper pour l’affronter et le maîtriser. La métaphore vaut pour une crise agricole.
La dispersion, c’est la course aux niches commerciales qui sont par nature limitées. Aussi louables soient-elles, les initiatives des producteurs de lait de créer toutes ces marques sont à cet égard illustratives de cette dispersion. « Je me pose la question sur la limite des niches qui permettent de sortir des commodités », dit poliment Philippe Chalmin, économiste et président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Puis d’oser de les qualifier « d’expériences parfaitement démago ».
5 milliards à saisir
Étudier le problème sous l’écran de fumée, c’est ce que fait l’Observatoire des prix et des marges. Philippe Chalmin a beau répéter aux agriculteurs que « la marge nette moyenne est de 1,5 % dans la distribution, -1,5 à -1,2 % dans le rayon boucherie », cela ne change rien au revenu des agriculteurs depuis 2010, date de création de cette cellule. Ce qui conduit Nathalie Marchand, vice-présidente de la Chambre d’agriculture 35, à lâcher : « L’observatoire, c’est juste pour observer ».
La troisième voie pour affronter l’incendie qui menace l’agriculture est de se regrouper. C’est tout le sens des États généraux de l’alimentation (EGA), a martelé Olivier Allain, vice-président du Conseil régional, en rappelant qu’il y a potentiellement 5 milliards d’euros à récupérer via la collecte effectuée par la grande distribution (NDLR : près de 10 000 €/exploitation française). Il insiste : « La balle est dans notre camp ».
Le dernier acte de la Pac ?
Le chargé de l’agriculture à la Région Bretagne plaide pour « la montée en gamme, qui est le prétexte pour avoir un prix payé plus élevé ». Une voie qui laisse interrogative Marie-Andrée Luherne, présidente de la section laitière de la FRSEAO: « On nous fait miroiter la montée en gamme… Mais moi je m’interroge : est-ce que le monde va changer avec les EGA ? ». Philippe Chalmin répond que le monde a déjà changé : « Même si nous en rêvons, nous ne retrouverons pas une période de la nature de la Pac de 1962. J’ai bien peur que son dernier acte soit celui de 2020-2027 ». Le feu menace bel et bien…
L’agriculture doit donc se projeter dans autre chose, « sans attendre tout de l’État », comme l’a dit le président Macron au lancement des EGA. Lors de son dernier discours des vœux à l’agriculture, le même président de la République y était allé également de sa métaphore pour inciter à aborder une nouvelle page agricole en se référant au philosophe Alain : « Il nous faut penser printemps pour notre agriculture. Mais ce « penser printemps n’est pas un « penser de spectateur », c’est un « penser d’engagé, de passionné, d’acteur ». Et de conclure : « Alors, faisons printemps ensemble ». C’est de saison non ?