Tenant plus de la « nature » que de la « culture » selon les termes des « élites éclairées », le paysan n’a plus vraiment le loisir d’illuminer le monde de son savoir ancestral. Aujourd’hui, la « barrière culturelle » ville-campagne affiche ce double-visage des murs hideux édifiés çà et là : côté lumière, le citadin cultivé et les hauts-plateaux de l’esprit ; côté ombre, le rural rugueux, pétri d’ignorance.
L’élégance et le plouc… Drôle de dichotomie établie par ceux qui prétendent être les détenteurs de la Culture, mais qui ont oublié que l’ouverture vers l’autre en est la première vertu. Cette barrière artificielle constitue le déni même de la culture paysanne construite sur 10 000 ans de connaissances de la nature transmises de génération en génération. Comment a-t-on pu, en si peu de temps, enfouir ce riche passé avec cette même pioche frénétique de l’âge de fer qui servit jadis au défrichement ? Oubliant que cette « culture » paysanne, – « cultivus » qui qualifiait le champ travaillé –, a donné naissance au mot « cultiver », puis « culture ». Tous ne l’oublient pas. En quête d’intensité, le poète Arthur Rimbaud se reconnaissait paysan à la fin de son recueil « Une saison en enfer ».
Étreindre la réalité du paysan était pour lui un moyen de rencontrer la finitude de l’Homme, son tragique et le fait qu’il est destiné à la terre. Une réflexion à des années-lumière de la légèreté du kitch contemporain qui peut aller jusqu’à s’extasier sur des matières fécales élevées au rang d’œuvres d’art : « Merde d’Artiste », est une œuvre de l’artiste italien Piero Manzoni, réalisée en 1961, qui se compose de 90 boîtes de conserve contenant de la merde de l’artiste, étiquetées, numérotées et signées. En 2014, une boîte a été vendue pour 160 920 €. Profondeur et frivolité…