Dans les archives de Paysan Breton :
Une fois de plus, et pour la troisième année consécutive, l’heure est au bilan d’un hiver qui n’a pas ménagé la zone légumière nord-finistérienne. Pour les agriculteurs, pour les organisations économiques, professionnelles et syndicales, pour l’administration, on en est au constat. Et c’est aussi l’heure des interrogations, au seuil d’un printemps dont on ne sait encore de quel bois il va se chauffer ou de quel frimas il va poudrer les cultures.
Une triste campagne
La saison s’achève pour les endives. Médiocre. D’abord, parce que les tonnages qui auraient dû atteindre 15 000 t n’ont pas excédé 13 000, par la faute du gel en janvier-février. Pour les carottes, cela a été bien pire : on attendait 30 à 35 000 t, il s’en est commercialisé 7 000. Tout le reste a été gelé et détruit en terre. Et les prix (60 centimes en moyenne) n’ont permis aucun rattrapage de revenu.
L’incertitude du Printemps
Seulement 24 millions de têtes de choux-fleurs avaient été livrées le 20 mars. Si pour l’heure on déplore peu de problèmes sanitaires, la taille des têtes reste inférieure à la normale : environ les deux tiers sont classés en petit calibre. Mais ce handicap devrait rapidement s’estomper. En l’état actuel des choses, on espère que 60 millions de têtes seront livrées en avril, mai, juin. La question est de savoir ce que sera le temps : des caprices de sa part peuvent causer des vides suivis d’engorgements. Si de ce côté tout se passe bien, la récolte devrait s’étaler régulièrement et assurer un maintien des cours qu’une bonne demande favorise actuellement, même si les petits calibres sont moins rémunérés.
Importer les drageons : un non-sens
Plus grande est l’interrogation qui concerne l’artichaut : ceux qui ont parcouru la zone légumière il y a un mois n’ont pas manqué d’être frappés par l’aspect désolé des parcelles d’où toute trace de vie semblait avoir disparu.
Il est désormais certain qu’une bonne partie des plants a été rasée au sol. Mais on voit tout de même actuellement des souches « qui repartent », c’est-à-dire que l’on voit pointer des drageons. Ce sont ceux-là qui seront utilisés pour remplacer les plants grillés.
Mais les drageons sont encore bien petits, ce qui signifie qu’ils seront plantés tard, fin avril, mai, et même début juin. Que l’été soit frais et humide, et ils ne donneront rien cette année. Même si ce n’est pas le cas, il ne faut pas espérer récolter d’artichauts avant mi-juillet ; par rapport à une année normale, cela représente un retard d’un mois et demi. Y aura-t-il suffisamment de drageons dans la zone légumière ? Oui, estime-t-on généralement : à peu près tous les producteurs ont au moins une parcelle où le gel n’a pas trop affecté les racines.
N’a-t-on pas prêté aux Léonards l’intention d’importer en masse des drageons espagnols ? Ce serait une opération ridicule, répondent aussi bien les responsables syndicaux que les techniciens et les organisations économiques (1) : « Ils risqueraient de mal venir, de produire en même temps que les plants du pays, et de nuire à l’image de marque d’une région connue et appréciée pour son « camus ». De plus, on ignore comment ils se comporteraient dans nos sols et s’ils ne seront pas susceptibles d’apporter des maladies ou de parasites. »
H. Pallier
(1) Le 30 mars 1987, quelques milliers de drageons importés d’Espagne ont été détruits à Plouescat, à l’initiative de FDSEA.