En s’élargissant, l’agglomération de Saint-Brieuc (SBAA) est devenue « beaucoup plus rurale ». À l’heure de préparer son Plan territorial, elle interroge le monde agricole sur son rôle et son implication sur les questions d’énergie et de climat.
« À l’échelle de Saint-Brieuc Armor Agglomération, nous devons finaliser notre Plan climat énergie territorial (PCAET) pour fin 2018. L’idée est, à notre niveau, de participer à atteindre les objectifs nationaux. Désireuse d’associer le plus grand nombre, partenaires et grand public, à l’élaboration de ce programme d’actions, l’agglomération a inscrit cette démarche dans un processus de concertation », a débuté Michel Hinault, vice-président à l’Énergie et au développement durable de SBAA. Une réunion d’informations’est tenue jeudi 5 avril à Quintin en partenariat avec la Chambre d’agriculture.
L’agriculture peut piéger beaucoup de carbone
Selon le diagnostic territorial mené sur l’agglomération, l’agriculture, représentée par 547 exploitations (2015) travaillant 53 % de la surface, est responsable de 29 % des émissions de gaz à effet de serre (Ges) pour 4 % de la consommation d’énergie. À noter que 42 % de ses émissions de Ges sont dues aux fermentations entériques et 29 % aux effluents d’élevage. « La production locale d’énergie, à 54 % à partir de bois bûche et granulés, ne couvre que 5 % de la consommation du territoire.
Il y a d’énormes marges de manœuvre concernant la cogénération, le biogaz, le photovoltaïque, l’hydroélectricité, ou le solaire thermique… L’agriculture a une véritable place à prendre », note Maud Singuy, en charge du dossier Énergie et développement durable à SBAA. Désormais, le Plan climat s’intéresse également aux émissions de polluants atmosphériques (oxydes d’azote, particules, composés organiques volatils non méthaniques, ammoniac, et dioxyde de soufre). « Comme pour les Ges, les secteurs les plus émetteurs sont les transports, le résidentiel et l’agriculture. »
Stop au gaspillage de foncier
Sur la séquestration du carbone, le bilan est autre. Après l’océan, la forêt et les sols sont les principaux réservoirs de CO2. « Sur notre territoire, autour de 30 000 teq CO2 sont absorbées par les sols et forêts. Cela montre le rôle que l’agriculture peut jouer. Mais les changements d’affectation des sols entre 1990 et 2006 ont un impact négatif estimé à plus de 1 500 teq CO2. Il est donc crucial de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols », martèle Maud Singuy.
Pour le secteur agricole, les enjeux sont identifiés : préservation des milieux naturels, adaptation au changement climatique, injection d’électricité ou de biogaz produits localement dans les réseaux, valorisation des prairies permanentes et encouragement des pratiques culturales permettant d’augmenter la séquestration, réduction du gaspillage énergétique… « Il va y avoir des demandes au niveau du marché qui vont orienter nos conduites de troupeaux et nos assolements », anticipe Jean-Jacques René, élu à la Chambre d’agriculture.
Mais pour l’éleveur de Binic, les agriculteurs font déjà beaucoup d’actions pour lutter contre le réchauffement climatique mais ne le savent pas toujours. « Couverture de fosses, gestion des haies bocagères et des prairies, fertilisation équilibrée, ajustement des rations, couverts en interculture, implantation de légumineuses, échanges parcellaires… Toutes ces stratégies vont dans le bon sens. Nous travaillons depuis longtemps sur la qualité de l’eau en lien avec l’économie des exploitations, si en plus nos pratiques ont un impact en faveur du climat, c’est encore mieux. »
D’ailleurs, en conclusion, Michel Hinault n’a pas manqué de souligner l’implication, « et même l’avance prise par l’agriculture sur la question du dérèglement climatique » par rapport aux autres secteurs. « Les résultats obtenus grâce aux actions « bassin versant » sont déjà très significatifs. Mais j’ai été impressionné quand j’ai découvert que le réseau des Chambres d’agriculture de Bretagne avait déjà produit une boîte à outils contenant 39 fiches applicables sur le terrain pour produire son énergie, baisser sa consommation ou réduire les Ges ! »
« Intensif mais pas forcément impactant pour l’environnement »
« En été, un système de séchage à plat de fourrages, de 1 000 cordes de bois par an et de nos céréales ouvre des perspectives. Nous construisons d’ailleurs un bâtiment de stockage des céréales avec panneaux solaires pour une autoconsommation de l’électricité par les pompes du méthaniseur… » Pour avoir des repères, le Gaec a investi dans un diagnostic Cap2’ER réalisé par la Chambre d’agriculture qui précise le solde entre émissions de Ges de l’exploitation et stockage de carbone (haies, prairies…) . « Avec un système pas pâturant du tout, nous nous situons à 0,91 kg d’équivalent CO2 / L de lait. La méthanisation, qui abat beaucoup de carbone, devrait permettre d’abaisser cette empreinte carbone à 0,72 kg. » « Généralement, ce qui est bon pour le climat est bon pour le portefeuille », appuie Régis Le Carluer qui travaille sur l’efficacité énergétique des exploitations à la Chambre d’agriculture. Plus globalement, « à chaque gain technique, l’empreinte carbone est améliorée », retient Emmanuel Turban. « En attendant, élus, soyez facilitateurs des projets agricoles, en termes de financement et d’encouragement. »