Un travail au bout du monde

Depuis sa sortie du lycée agricole de Laval en 2012, Matthieu Heuzé, 26 ans, parcourt le monde. Récoltes arboricoles en Australie, moissons en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis… Le Sarthois multiplie les expériences incroyables qui façonneront, à terme, son projet d’installation.

[caption id= »attachment_33901″ align= »alignright » width= »155″]matthieu-heuze Ce mois-ci Matthieu Heuzé participera aux moissons itinérantes aux USA.[/caption]

Matthieu Heuzé a l’âme d’un vagabond. « Il y a un risque de ne jamais revenir chez soi quand on prend goût aux missions à l’étranger ! », plaisante le jeune homme, en citant l’exemple d’un camarade resté au Canada. L’aventure, pour ce Sarthois originaire de Dangeul, a démarré en Australie en décembre  2012. « J’avais vingt ans, un BTS Acse en poche. » Parti avec cinq copains, Matthieu participe à la récolte des mangues et des litchis puis découvre la production d’huile d’olive bio. Cette première expérience est décevante. « Trois mois en Australie, je n’étais sans doute pas prêt. » De retour en France, l’étudiant reprend une formation et prépare un Bachelor de responsable commercial par apprentissage. « Je voulais être commercial en matériel agricole. » Mais aux tracteurs à vendre, Matthieu préfère les moissons en Nouvelle-Zélande.

Un paysage à couper le souffle

Fairlie. Région de Canterbury. Dix heures de décalage horaire et un paysage à couper le souffle. « Je débarque en novembre 2014 dans une ferme céréalière de 200  ha irrigués, plantés en bord de lac et bordés de montagnes aux sommets enneigés. » Le choc est immense. Matthieu apprivoise les différences. « Le lien au sol n’existe pas. L’agriculteur qui m’accueillait avait revendu une première exploitation de 600  ha avant de reprendre celle où j’ai travaillé six mois. À mon retour en Nouvelle-Zélande en septembre  2016, il avait encore changé pour une ferme de 120  ha à Leeston. » Soit plus de 150 kilomètres plus loin. « C’est assez surprenant pour nous Européens. Sans doute l’agriculteur a-t-il soldé des emprunts en revendant une exploitation remise sur les rails. Dans le pays, l’aide à l’installation n’existe pas et les taux sont très élevés, entre 6  % et 7  %. »

tracteur-Nouvelle-Zelande

Du savoir scolaire aux réalités du terrain

Au savoir scolaire succèdent peu à peu les réalités du terrain. « La force du système néo-zélandais, c’est l’herbe » affirme Matthieu Heuzé. « Il n’y a pas de bâtiment ou peu. Les vaches sont dehors toute l’année et taries quatre mois durant l’hiver, ce qui permet de réduire l’apport fourrager, donc le coût alimentaire. » Le taux de matière grasse prime sur les volumes. Les Kiwi Cross, issues d’un croisement entre Jersiaise et Holstein, ne produisent guère plus que 4 000  kg à 6 000  kg. « Ce qui m’a aussi interpellé lors de cette mission, c’est la part des activités déléguées aux entreprises de travaux agricoles. Même l’enrubannage est sous-traité. Les grosses fermes laitières fonctionnent avec le minimum : un tracteur, un broyeur et une désileuse .» Même constat aux États-Unis où les entreprises agricoles occupent une place à part. C’est pour l’une d’elles que Matthieu Heuzé a travaillé, de mars à septembre  2016.

[caption id= »attachment_33903″ align= »aligncenter » width= »720″]cortege-moissons-itinerantes-USA Le long cortège des moissons itinérantes aux USA.[/caption]

 

Des milliers de kilomètres engloutis aux USA

À la tête d’un convoi de « cinq moissonneuses-batteuses, une remorque et un tracteur », le Sarthois sillonne l’Amérique. Oklahoma, Nebraska, Dakota du Sud et du Nord, Canada : « Les moissons sont itinérantes. » Employé par Carlson Harvesting, Matthieu partage le quotidien de six ouvriers et de la famille du chef d’entreprise, embarquée elle aussi pour un long périple de six mois. « On logeait dans d’immenses caravanes. »

Les journées de travail sont longues, de 7 h 30 à minuit. Mais le bonheur est immense. « J’ai passé mon permis poids lourd aux USA ! De ses missions du bout du monde, Matthieu rapporte des idées pour son projet d’installation. « Aux États-Unis, une ferme de plus de 150  ha délègue son travail à une entreprise agricole. C’est bien plus rentable et cela réduit le coût de mécanisation. » En avril, Matthieu Heuzé repart outre-Atlantique. Le temps où « la coupure familiale était difficile » est loin derrière lui.

Nathalie Barbe


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