Voilà maintenant plusieurs années que des Cuma se regroupent pour faire baisser la facture de carburant. Rencontre avec le trésorier de la Cuma du Frout qui réalise des économies substantielles en lançant un appel d’offres à ses partenaires fournisseurs.
L’année dernière à cette même période, le prix au litre du carburant type gazole non routier (GNR) supérieur s’établissait autour des 60 centimes. Aujourd’hui, la donne a complètement changé, avec une hausse par rapport à 2017 de l’ordre de 20 centimes/ L. Sur des gros volumes de carburant consommés, comme c’est le cas au printemps pour les semis et pour les épandages de fertilisants organiques, la note devient plus que salée. Le poste carburant sur une exploitation agricole représente 23 % des charges de mécanisation, comme le démontre une étude menée sur 9 exploitations de Scaër (29). « La consommation de ces exploitations variait de 118 à 157 L/ha », chiffre Boris Moal, animateur à la fédération des Cuma du Finistère. Dès lors, la hausse des tarifs des carburants impacte sérieusement les fermes et les craintes sont encore plus vives à l’approche des récoltes de céréales.
Difficile répercussion du surcoût
Afin de limiter ces augmentations de charges, la Cuma du Frout, de Taulé (29), a mis en place un système de commandes groupées, qui lui permet d’obtenir des tarifs plus intéressants, car les volumes commandés sont plus importants. Éric Le Bian, trésorier de cette Cuma finistérienne, envoie tous les mois un mail aux demandeurs de carburant, qui peuvent aussi bien être des agriculteurs, des particuliers ou même une école.
« Lancée le lundi, la commande doit être passée pour le vendredi. Je consulte ensuite le lundi suivant les offres de 4 partenaires », explique-t-il. Ainsi, des commandes de fioul rouge, de GNR ou de gasoil blanc bénéficient d’un tarif plus intéressant pour les demandeurs. Pour la société qui remporte le marché, c’est une assurance de livrer un grand volume, sur une tournée optimisée où le transport est bien calculé. « Sur une année, la remise tourne autour de 10 centimes par litre, soit une économie moyenne pour les 55 demandeurs de 800 €/an », la moyenne de commande s’élevant à 8 000 L.
Les quelque 20 centimes supplémentaires au litre de carburant observés depuis deux ans ont de fortes conséquences. « Avec ces prix à la hausse, nous subissons à chaque fois. La Cuma consomme 45 000 L chaque année. Ces 20 centimes représentent 9 000 € de surcoût. Le tracteur totalise 2 500 heures par an, le surcoût horaire est donc de 3 € », chiffre le trésorier.
Être sensibilisé à l’éco-conduite
Si l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas, les responsables de la Cuma lancent des pistes pour limiter ces consommations d’énergie. « Le tracteur est systématiquement passé au banc de puissance. Nous réfléchissons aussi au moment du changement du tracteur, sur la largeur des outils tractés. La charrue 6 corps, tirée par un tracteur de 200 CV, nous permet de gagner 20 % de temps en labour. Mais les outils plus larges sont aussi plus chers », rappelle Éric Le Bian.
Parfois, de simples habitudes de travail réduisent les consommations de GNR. « J’ai été sensibilisé dès 2009, quand le carburant atteignait les 1 €/L. Il faut limiter les trajets inutiles, en organisant les chantiers et les plannings, et éviter de passer plusieurs fois devant les champs. Pour les épandages, le facteur largeur est important, le tour à vide est toujours le même », confie Goulven Le Goff, un des deux chauffeurs de la Cuma du Frout, qui a été sensibilisé à une conduite plus économe.
Récupérer la TIC
Les Cuma, entreprises de travaux agricoles ainsi que les exploitants agricoles à titre individuel ou sociétaire peuvent demander un remboursement partiel de la Taxe intérieure de consommation (TIC) sur les volumes de gazole non routier, de fioul lourd et de gaz naturel. La demande de remboursement est possible depuis le 1er juin. « L’année passée, nous avons ainsi récupéré 3 900 € », chiffre Éric Le Bian. Les montants de ce remboursement pour l’année 2018 sont respectivement fixés à 11,23 €/hl pour le GNR, 93,55 €/t pour le fioul lourd et à 5,761 €/Mkwh pour le gaz naturel. Le formulaire en ligne est disponible à www.chorus-pro.gouv.fr.
[caption id= »attachment_35522″ align= »alignright » width= »156″] Jean-Michel Maingain, Directeur des études chez Federal Finance Gestion[/caption]
« Vers une stabilisation du prix du baril »
Le prix du baril devrait se stabiliser autour du cours actuel de 70 $ /75 $, en raison de deux facteurs fondamentaux. La croissance mondiale 2018 et 2019 (même si 2019 connaît sans doute une croissance légèrement inférieure à cette année) reste forte à hauteur de 3,9 % / 4 %. La demande de pétrole progresse. À cela s’ajoute la situation géopolitique de l’Iran, avec un risque que ce pays ne puisse plus revenir sur le marché international. De façon plus marginale, la situation au Brésil et au Venezuela aura légèrement joué à la hausse sur les prix. Une reprise du conflit iranien pèserait indiscutablement sur les cours. Nous attendons la réunion du 22 juin de l’Opep pour avoir plus de visibilité sur la volonté de l’Arabie Saoudite et de la Russie de réguler les prix face à une production américaine en hausse. Enfin, les réserves de pétrole sont toujours très importantes même si le coût d’exploitation de ce même pétrole est de plus en plus élevé, ce qui freine malgré tout le développement des énergies alternatives. Jean-Michel Maingain, Directeur des études chez Federal Finance Gestion.