Le bœuf français bientôt en Chine ?

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Le 14 juillet sera-t-il jour de fête pour la viande bovine française ? La filière croise les doigts.

En avril 2018, seuls 14 pays (dont l’Irlande depuis peu) étaient autorisés à exporter de la viande bovine en Chine. « Sur ce marché qui a crû de 20 % entre 2016 et 2017, six pays font plus de 80 % du volume : Nouvelle-Zélande, Canada, Brésil, Uruguay, Argentine et Australie », précisait Jean-Marc Chaumet, économiste à Idele qui organisait, fin mai, sa conférence marchés mondiaux à Paris. La France, elle, est « en négociation très avancée ».

En mars 2017, après 17 ans d’embargo, la Chine a potentiellement rouvert ses frontières à des importations de viande bovine française. Pour autant, pas un kilo de bœuf tricolore n’a encore pénétré sur le territoire. « Avec une pression politique forte, un tel dossier demande 4 ou 5 ans pour que le commerce puisse commencer. Les procédures sont très strictes et longues avant l’ouverture du marché », expliquait Carole Ly, de France-Agrimer. Par exemple, seules 3 entreprises irlandaises sur 8 et 34 américaines sur 100 ont reçu l’agrément pour exporter sur les deux dernières années.

Une procédure accélérée jamais vue

Cela passe par une succession d’étapes très précise : remplissage de questionnaires, étude des réponses, audits par les services sanitaires chinois, négociations… « Mais actuellement, nous assistons à une accélération supersonique des démarches : deux missions d’inspection ont eu lieu en moins de 6 mois, du jamais vu. Cela fait suite à la visite en Chine d’Emmanuel Macron qui a porté ce dossier », soulignait la spécialiste. « En fait, la filière est dans la dernière ligne droite de la procédure avec l’objectif que la viande bovine française soit exportable au 14 juillet ! » Le protocole pourrait concerner viande congelée, viande réfrigérée et steack haché 100 % muscle. La France voudrait aussi y inclure abats et co-produits de découpe… Mais c’est très loin d’être gagné. « L’idée est de stabiliser ce protocole pour une signature à la mi-juin lors du passage du Premier ministre en Chine. »

À la tribune, Emmanuel Bernard, éleveur charolais dans la Nièvre et président du Comité de filière viande bovine d’Idele, se réjouissait : « Il vaut toujours mieux un accord de libre-échange qu’un embargo. » Avant de rappeler, réaliste, que ce ne serait pas si simple de faire face à la concurrence bien implantée déjà et de s’adapter aux attentes d’un marché formaté par exemple par les énormes travaux de marketing menés depuis longtemps par les Australiens par exemple. « Pour nous, par exemple, des animaux de moins de 30 mois avec du persillé seront difficiles à fournir aux Chinois. » « En Asie, le pouvoir d’achat augmente partout. La production aussi, mais pas suffisamment pour répondre à une demande astronomique. Il y a donc d’importantes opportunités », reprenait Marc Feunteun, directeur export de SVA Jean Rozé.

Travail de longue haleine en coulisse

L’entreprise française se prépare depuis longtemps à la réouverture des marchés en Chine, au Japon ou en Corée du Sud… « Depuis 2014, nous sommes au contact dans les conférences institutionnelles, les visites officielles, les salons… Nous participons à la promotion de la marque “French beef ”. Nous tissons des liens et faisons de la prospection sur ce que les clients veulent. » Le spécialiste dirige une équipe spécialisée sur le marché asiatique. Il scrute chaque évolution avec attention, comme les investissements chinois en termes de logistique. L’Empire du milieu travaille depuis des années à créer une nouvelle route de la soie, une liaison ferroviaire du cœur de l’Europe à la frontière occidentale de la Chine.

« Qu’est-ce que ça veut dire pour un marchand de viande ? Pour l’instant, tout se fait par bateau et face à nous, ce sont des importateurs mondiaux qui connaissent tous les prix et la planète par cœur. Mais tout d’un coup, grâce au train, on peut être en 15 jours au centre de la Chine avec de la viande fraîche, là où on consomme plus de bœuf. Dans cette zone, face à la viande locale, on a notre chance », livrait Marc Feunteun. « Reste que les Chinois vont nous réclamer le prix de la viande brésilienne pour notre qualité de produit qu’ils assimilent pourtant au « grass fed » australien considéré comme du haut de gamme chez eux. De belles batailles commerciales en perspective… » Et le Breton de conclure : « Notre espoir : que notre première livraison de viande vers la Chine soit sur la route ou dans le train pour le 14 juillet ! » Dans l’assemblée, on parlait à demi-mot d’une possible « Fête nationale de la viande bovine bientôt ».

[caption id= »attachment_35402″ align= »alignright » width= »156″]Claude Henry, délégué à la FRSEA siégeant à la FNB Claude Henry, délégué à la FRSEA siégeant à la FNB[/caption]

Serons-nous compétitif sur les marchés internationaux…

Le nombre de vaches allaitantes continue de diminuer en Bretagne. Et le contexte de baisse de la consommation en France et en Europe inquiète. Ce qui nous sauve aujourd’hui est l’implication de notre filière dans des démarches labellisées. Mais pourrons-nous résister à l’importation de pièces plutôt nobles venant d’Amérique du Sud ou du Canada suite aux signatures d’accords bilatéraux ? Et dans l’autre sens, est-ce que, nous, Européens qui ne cessons de gravir les échelons en termes d’exigence de cahiers des charges et de coût de revient, serons capables d’être compétitifs pour prendre une place sur les marchés internationaux en croissance comme la Chine peut-être demain ? Claude Henry, délégué à la FRSEA siégeant à la FNB

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Les Etats-Unis lorgne aussi sur la Chine

La viande des Etats-Unis est officiellement de retour en Chine. Davantage dans les textes que dans la pratique pour le moment.

Jusqu’en 2003, les Etats-Unis exportaient beaucoup de viande bovine vers l’Asie. Des cas d’ESB ont fermé le marché (Chine, Japon, Corée du Sud…). « Mais les Américains ont, depuis, peu à peu récupéré leurs parts de marché sur la zone et veulent aujourd’hui s’imposer en Chine qui leur a rouvert ses portes », rapporte Jean-Marc Chaumet, économiste chez Idele. La levée d’embargo date de septembre 2016 et le premier bovin US est arrivé en Chine neuf mois plus tard. 

Si 34 abattoirs américains sont agréés par les Chinois, malgré l’ouverture, seules 3 000 tonnes équivalent carcasse ont en fait pénétré en Chine en 2017. « Dans la pratique, les conditions sanitaires exigées par les Chinois restreignent les entrées : traçabilité maximale, sans hormone et sans bêta-antagoniste. Les Américains, utilisateurs de facteurs de croissance, doivent quasiment mettre en place une filière dédiée pour fournir la Chine car, à l’heure actuelle, peu de leurs bovins sont éligibles. » Mais il y a certainement une véritable motivation du côté des Etats-Unis puisque leur viande est positionnée comme du très haut de gamme dans les restaurants au même niveau que l’origine Australie.


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