Le microbiote intestinal est impliqué dans de nombreuses maladies. Comment le nourrir pour orienter sa composition ? La recherche avance et des applications concrètes pourraient voir le jour dans le monde de l’élevage.
Deux kilogrammes de petites bêtes vivantes dans nos intestins. Des bactéries, des virus, des protozoaires et des champignons qui grouillent, échangent, se reproduisent et interagissent en permanence avec notre organisme. En symbiose parfaite, ce microbiote est synonyme de bonne santé, de bien-être. Une perturbation de cet équilibre entraîne une perte de la fonction de barrière contre les pathogènes et conduit au développement d’une pathologie. Cet écosystème bénéficie également aux animaux.
D’où viennent ces micro-organismes ?
« La colonisation du tractus digestif se fait à la naissance ou à l’éclosion (pour les poussins) par l’ingestion de micro-organismes présents dans l’environnement (contacts avec la mère et l’environnement, ingestion de lait…) », indique Fanny Calenge, biologiste à l’Inra, intervenante à un forum sur la nutrition organisé par DSM. En quelques jours seulement, des milliards de bactéries colonisent le tube digestif du nouveau-né. Pour que cette explosion démographique soit bénéfique, les premières colonies doivent favoriser l’arrivée des suivantes. Le nombre d’espèces présentes augmente progressivement jusqu’à une stabilisation (une à deux années chez l’homme).
Quelle fonction ?
« Le microbiote contribue au développement puis à la régulation du système immunitaire, interagit avec le cerveau ». Il permet donc à l’hôte non seulement d’extraire des nutriments et de l’énergie à partir des aliments mais aussi de résister aux maladies ou de rétablir une bonne santé, de procurer du bien-être à l’homme ou à l’animal. « Le microbiote digestif a une importance pour les principaux enjeux socio-économiques de l’élevage : santé, sécurité sanitaire des produits, bien-être animal, productivité ». La flore intestinale des animaux malades est très souvent différente de celle des animaux sains.
De même, les hommes obèses, diabétiques ou sujets à la dépression ont une flore intestinale différente de celle des hommes en bonne santé. Les chercheurs s’attachent à trouver des marqueurs biologiques des micro-organismes spécifiques, prédicteurs du développement de telle ou telle maladie. Ils imaginent également le traitement de pathologies en faisant évoluer la composition du microbiote par l’alimentation, l’ingestion de probiotiques (bactéries, levures) et de prébiotiques (fibres alimentaires). La flore présente dans les premiers jours de vie est celle qui contribue à la maturation du système immunitaire. Son impact est donc immédiat et continu. « Comme il n’est pas encore constitué à la naissance, les premiers jours de vie constituent une fenêtre d’influence possible, via, notamment, la composition des aliments à la disposition des nouveau-nés. La présence d’un microbiote complexe (riche) dès l’éclosion chez le poulet est associée à une réduction des salmonelles. Elle a un effet favorable sur la résistance à la colonisation par des pathogènes intestinaux ». Une barrière intestinale établie précocement, en quelque sorte.
Apport précoce d’aliment ?
Chez l’homme, une alimentation riche en fibres végétales diverses et pauvre en produits industrialisés et en sucres raffinés est associée à une plus grande richesse de la flore intestinale et à une meilleure santé. Chez l’animal, les questions sont nombreuses et les recherches débutent. « Il s’agit de connaître avec plus de précision l’effet de différents régimes alimentaires sur la flore, de savoir quels métabolites favorables sont produits par tel ou tel type de flore, (comme le butyrate qui agit sur la croissance et le renouvellement des cellules de la muqueuse colique) ».
Les chercheurs étudient la stabilité dans le temps de l’apport précoce d’aliments et de pré ou probiotiques. Ils s’interrogent : faut-il alimenter les animaux plus tôt ? Avec quoi ? Faut-il les exposer à des microbiotes complexes dès la naissance (via des probiotiques) ? Des applications concrètes dans les filières avicole et porcine ne tarderont pas à voir le jour. « Les enjeux sont importants : alternatives aux antibiotiques, optimisation des performances, sécurité sanitaire… ». L’alimentation n’est pas le seul levier à développer ; la génétique, les pratiques d’élevage ont également une influence sur la flore intestinale. La collaboration multidisciplinaire recherche-industrie est indispensable pour développer les moyens et aboutir à des solutions concrètes en élevage.