À l’heure d’implanter une nouvelle prairie, Patrice Pierre, à l’Institut de l’élevage, rapporte qu’il est possible de diminuer les doses de semences sans perdre ensuite en rendement en recourant à un semis à la volée et surtout en étant très soigneux sur la préparation du sol.
« Semer, c’est l’aventure », souriait un producteur de lait breton sur un stand du rendez-vous technique « Autonomie protéique » à Trévarez (29), le mois dernier. Son interlocuteur, Patrice Pierre, de l’Institut de l’élevage acquiesçait, avant de poursuivre : « Il est pourtant temps de remettre au goût du jour l’implantation de la prairie. »
[caption id= »attachment_35926″ align= »aligncenter » width= »720″] À Trévarez (29), Patrice Pierre, responsable projet fourrages à Idele, et Christian Bégos, éleveur au Cloître-Pleyben (29), échangent sur la conduite des prairies.[/caption]
À la ferme expérimentale des Chambres d’agriculture de Bretagne à Mauron (56), ces deux dernières années, des essais ont comparé différentes doses de semences pour implanter une prairie ray-grass anglais – trèfle blanc. Les chercheurs sont partis d’une dose pivot de 23 kg / ha (20 kg de RGA et 3 kg de TB) et ont testé des protocoles à 30 % de semence en plus (30 kg / ha) ou en moins (16 kg / ha) que ce témoin. Ainsi que des modalités où la quantité de graminée variait (+ ou – 30 % par rapport au pivot, soit 26 ou 14 kg de RGA / ha) alors que celle de la légumineuse n’évoluait pas (3 kg de TB / ha). « Nous avons aussi comparé deux modalités de semis : en ligne ou à la volée. »
La densité fait le peuplement mais pas le rendement
Sur les micro-parcelles (semées le 21 septembre 2016), deux quadrats, des cadres en bois définissant une surface précise, ont été disposés. À l’intérieur de ces périmètres, le comptage des graines levées, des pieds présents et du rendement obtenus a été réalisé. « Quand on augmente la densité de semence, le peuplement à la levée augmente. » Le « pivot – 30 % » représentait 829 graines de RGA + TB / m2 contre 1 477 graines /m2 au « pivot + 30 % » pour obtenir ensuite, respectivement 510 pieds / m2 et 720 pieds / m2. « Mais attention, la dose de semence ne fait pas le résultat final. Le rendement cumulé après 3 coupes atteint 3,94 t MS / ha pour le protocole de semis le moins dense contre 3,65 t MS pour le plus dense… », souligne Patrice Pierre.
[caption id= »attachment_35927″ align= »aligncenter » width= »720″] Sur les micro-parcelles comparant différentes doses au semis, des quadrats délimitent des surfaces sur lesquelles les chercheurs réalisent des comptages.[/caption]
Celui-ci explique notamment ce phénomène par l’opportunité de ces espèces à se développer à faible densité : « Quand la compétition entre les plantules est moindre, le tallage du RGA et la ramification du TB sont plus importants. » Ces travaux rappellent aussi le faible taux de levée du trèfle blanc, « de l’ordre de 20 % ». Pour la dose pivot, on comptabilise ainsi environ 80 pieds de TB / m2 (contre de l’ordre de 500 pour le RGA). Mais, au fur et à mesure des fauches, la proportion de trèfle augmente : « 4 à 6 % du rendement de la 1re coupe, 30 à 41 % de la 2e et 49 % de la 3e ». Les chercheurs ont également souligné l’intérêt du semis à la volée sur le taux de levée, le salissement et le rendement (cf tableau).
Meilleure levée aux redoublements de passages de rouleau
« Nos résultats montrent que les éleveurs peuvent diminuer les doses de semences sans risque de pénaliser le potentiel productif de la prairie au printemps suivant. Mais un semis à la volée est recommandé et surtout une préparation du sol très soigneuse. » Le spécialiste rappelle les règles de base, « les deux exigences » : un sol travaillé pour obtenir 6 ou 7 cm de terre fine puis un passage de rouleau avant semis pour obtenir un terrain rappuyé favorisant la remontée capillaire de l’eau.
« Ensuite, on ne sème pas l’herbe comme du blé ou de l’orge. Il faut sortir du semis en ligne pour travailler le plus à la volée possible en passant avec un semoir à céréales bottes relevées. Et à l’arrière de l’attelage, une petite herse qui commence à cacher la graine. » Les très petites graines ont par nature extrêmement peu de réserve. « Il faut donc toujours semer en surface, dans le premier centimètre de terre, pour que la graine récupère rapidement la lumière et évite l’épuisement. » Enfin, le passage du rouleau est primordial. Il augmente le contact sol – graine. « Pour comprendre son importance, il suffit d’observer que c’est aux endroits des redoublements de passage de rouleau qu’on obtient les meilleures levées. »