Les machines ont pu battre les céréales jusque tard dans la nuit avec des conditions de récolte très bonnes. Si la qualité est là, les rendements sont moins importants cette année, aussi bien en orge, en blé ou en colza.
La déception sur les rendements en céréales fait écho dans les campagnes, suite une récolte terminée pour les orges d’hiver. Un enracinement médiocre, favorisé par de fortes intempéries en hiver, et une photosynthèse en demi-teinte en juin expliquent ces quintaux qui ne sont au final pas au rendez-vous. La baisse des surfaces semées à l’automne, de l’ordre de 2 % par rapport à la campagne précédente, accentue la diminution des volumes collectés. « Nous sommes à moins 20 % de nos objectifs », chiffre Michel Le Friant, responsable du pôle céréale chez Triskalia. Si les taux d’humidité sont bas (de 13 à 14 %), les PS témoignent d’une très bonne qualité des grains, en grimpant cette année à 64 ou 65 kg/hl. Les quatre départements bretons enregistrent des rendements moyens de 71 q.
Tous les grains rentrés pour le 23 juillet en orge et colza
Pour les orges et les colzas, les collecteurs apprécient de rentrer les derniers lots dès la fin juillet. Une précocité dans les battages qui rappelle l’année 2003, elle aussi sèche et chaude pour la moisson, et qui va permettre des semis précoces de couverts végétaux pour une valorisation fourragère. Sur le reste du territoire français, la déception est aussi au menu des producteurs des Pays de la Loire, et dans une moindre mesure en Champagne et en Bourgogne. « L’Orne et le Calvados n’enregistrent pas de bons rendements, ce qui conduira au final à un trou de 30 000 tonnes, soit l’équivalent d’un bateau. À cela s’ajoute une offre mondiale peu importante, avec des acheteurs chinois qui peuvent se détourner des États-Unis. La rareté de la marchandise va sans doute faire augmenter les prix », prévoit le responsable.
Pour les colzas, les surfaces implantées ont augmenté de 11 % en Finistère, 8 % en Ille-et-Vilaine, sans doute poussées par des récoltes en 2017 exceptionnelles. Les rendements sont classiques à médiocres, dans les 33 quintaux/ha : la floraison, de courte durée, a limité le nombre de siliques au m2.
Si les battages sont terminés en Ille-et-Vilaine ou dans le sud du Morbihan, la moitié des grains de blé restaient encore à rentrer lundi dernier. Même constat pour cette espèce que pour les autres céréales, avec des rendements en berne mais des poids spécifiques et une qualité très bonne, qui « relève même du record, avec des taux de protéines moyens en blé de 11,74 % ». Des différences semblent apparaître entre des variétés de blé dont le rendement est produit grâce au tallage, et celles dont la fertilité épi est meilleure. Ces dernières ont moins souffert des excès d’eau de l’hiver.
La pluie n’a pas déformé le grain de blé
« L’absence de pluies avant la récolte n’a pas déformé les grains, le PS s’établit à 79 kg/hl », chiffre Michel Le Friant. Cette qualité laisse présager une ouverture à tous les marchés, la bonne nouvelle pouvant venir des pays de l’Est ou de la Russie, qui a revu à la baisse sa production, en l’estimant à 64 millions de tonnes. Le pays des Tsars avait pour mémoire récolté 80 millions de tonnes en 2017.
Le nord du continent européen a aussi souffert de sécheresse, comme en témoignent les tendances reçues de l’Allemagne et des pays scandinaves. « Le marché européen sera alors plus important en termes de flux interne », et la France et ses 34 millions de tonnes de blé auront une carte à jouer. « À nous de trouver les meilleures façons de valoriser les céréales des adhérents ». D’un point de vue mondial, les responsables restent attentifs sur la production australienne, et surveillent les tensions économiques actuelles du Brésil et de l’Argentine, « qui cherchent à garder leurs matières premières ».
Étaler ses ventes
Face à ce climat mondial incertain, la vigilance reste de mise, et Michel Le Friant de conseiller d’avoir une bonne gestion des risques avec « une diversification de son panel, car les choses sont imprévisibles. La logique pousse à ne pas vendre trop tôt, et plutôt à étaler ses ventes. Il ne faut surtout pas cumuler vente précoce et baisse de rendement, sous peine d’une double pénalisation, avec une trésorerie impactée pour la campagne ». La campagne se terminera en mai 2019, avec d’ici là des événements pesants sur les marchés mais inconnus ou imprévisibles à ce jour.
On prend la moisson au fur et à mesure
Le temps est de la partie, c’est une année à mettre dans les annales. On prend la moisson au fur et à mesure, les épis mûrissant avec l’avancement des machines. Les rendements en blé se font suivant les terres : dans les grandes terres, les cultures n’ont pas tallé, il y a eu de fortes pressions de maladies, notamment en rouille. Sur les parcelles très bien suivies, certains producteurs arrivent à frôler les 100 quintaux. Les taux d’humidité descendent rarement pendant la nuit, nous avons battu certains jours jusqu’à 2 h du matin avec des taux d’humidité de 14 % sur du blé bien mûr. Nous rencontrons enfin une forte demande en paille, mais il n’y a pas d’offre. Denis Blanchard, gérant d’une ETA à Saint-Trimoël (22)