André Pochon, membre du Comité régional de concertation du 6e programme de la directive nitrates, réagit à un article paru le 29 juillet dans Paysan Breton du 29 juillet intitulé “Oui à l’environnement. Non à l’acharnement !”
Les FDSEA bretonnes et les Jeunes Agriculteurs n’ont pas assisté au Comité Régional Directive Nitrate du 20 Juillet 2018. Ils ont dénoncé dans la presse les raisons de leur opposition à cette concertation. : « Trop de paperasses et de contraintes pour l’agriculteur ». A ce propos, j’ai conseillé pour chaque exploitation le bilan entré-sortie de l’azote mis au point par l’INRA, au lieu de la déclaration des flux d’azote. Ce bilan est effectué par le comptable au vu des facturations, vous n’avez rien à faire vous-même, et il s’agit du meilleur moyen d’évaluer le flux d’azote et de lutter contre la pollution par les nitrates.
Ces mêmes syndicats mettent en cause deux mesures du projet :
- L’interdiction du traitement au glyphosate des CIPAN sur cultures sans labour, en sachant que cette interdiction existe déjà dans le 5ème programme en cours. Chers amis responsables, en vous battant pour l’usage du glyphosate, vous faites fausse-route. Non seulement vous perdez votre crédit auprès de l’opinion publique, mais vous mettez en danger la santé des citoyens et surtout, selon les experts chercheurs en santé, celle des jeunes agriculteurs qui auront des enfants à naître. Etes-vous bien certains que le « sans labour » n’ait pas été impulsé par la firme Monsanto elle-même ? Savez-vous que l’Argentine et le Brésil (j’ai pu le constater sur place) sont dans une impasse totale après l’emploi du glyphosate à grande échelle pour le « sans labour » ? En plus des problèmes de santé, des plantes résistantes au glyphosate s’installent et se généralisent. Est-ce cela que vous voulez pour nos terres agricoles ?
- L’obligation de mentionner les journées de présence au pâturage (JPP) : sur ce point, vous avez raison d’y être opposé, et les écologistes ne soutiennent pas cette mesure inappropriée. Il est évident qu’une pousse d’herbes de 4 tonnes MS/ha nécessite plus de journées de pâturage qu’une pousse de 2 tonnes MS/ha , mais elle pompe aussi plus d’azote des déjections. La pollution à la prairie est due à l’excès d’apport d’azote minéral sur l’herbe et à l’excès d’aliments concentrés aux vaches qui pâturent. C’est pour cela que dans la MAE polyculture-élevage, l’engrais azoté est interdit et la distribution aux vaches d’aliments concentrés est limitée.
Lors du premier comité, je vous ai expliqué que ce n’est pas par la réglementation que l’on retrouvera l’eau pure en Bretagne, mais par le changement du modèle de production adopté dans les années 60 : à savoir production porcine de masse sur lisier, gros élevages intensifs, surfaces démesurées en maïs, monocultures, destruction du bocage,…
L’explosion du modèle productiviste est due à la PAC de 1962 : prix garantis sans limite de production par le stockage des excédents exportés ensuite vers les pays du Tiers Monde à grand renfort de subventions. C’est une des causes profondes des migrations d’aujourd’hui : pendant 50 ans par ces exportations à bas prix, nous avons bloqué le développement des pays émergeants. Par contre, l’Europe s’est protégée des importations à bas prix par des droits de douane, sauf pour le soja qui nous arrivait au prix mondial, des protéines pour rien…Ceci est l’explication de l’explosion des élevages hors sol en Bretagne : alimentation des animaux au prix mondial, exportations subventionnées de ces mêmes animaux. , au détriment du budget européen, de l’environnement, de la biodiversité et du tissu rural. Mais cela est derrière nous, puisque désormais les prix ne sont plus garantis, la concurrence est féroce, les consommateurs se réveillent et orientent la production vers le choix de la proximité et de la qualité.
Il nous faut donc revenir à un élevage autonome sur litière, pourvoyeur d’humus, des vaches nourries au pâturage, des assolements au moins triennaux, à l’équilibre sols-plantes-animaux. C’est pourquoi les agriculteurs de plus en plus nombreux qui ont fait le choix de cette révolution dans leurs exploitations, gagnent plus en travaillant moins, avec un environnement préservé, résultats validés par l’INRA dans le programme Terre et Eau.
Sachez qu’en vous obstinant dans le modèle productiviste, vous entrainez la région dans l’impasse et les éleveurs encore plus, ne serait-ce que par la pression des consommateurs qui exigent des produits indemnes d’antibiotiques ou de pesticides et des consommateurs de plus en plus attentifs aussi au bien-être animal.
L’avenir est dans une production autonome à forte valeur ajoutée, comme le préconisait le directeur de l’INRA, Jacques POLY dans son rapport fameux du 18 juillet 1978 intitulé « Pour une agriculture plus économe et plus autonome », qu’il ouvre avec ces mots : « Notre agriculture se révèle quelque peu essoufflée à la suite d’une longue course à la productivité […]. La société est de plus en plus vigilante vis-à-vis des problèmes de pollution ou de nuisances […]. Les pratiques agricoles de demain auront certes à se préoccuper davantage de la préservation de nos ressources naturelles et d’un environnement rural agréable et harmonieux. »
C’est ainsi que nous aurons des éleveurs bretons nombreux et prospères avec la fin des algues vertes sur nos côtes.
P.S. : Vous ne dites rien contre l’interdiction d’ensemencer une céréale derrière un retournement de prairie, et vous ne protestez pas contre une BGA excédentaire de 50N/ha, ce qui annule toute efficacité du 6ème Programme d’Action .
André POCHON, Membre du comité Régional, Délégué association Vivarmor Nature