Sortir de la Grande Guerre (1918-1926) : Difficile retour à la paix

Mutilés aux champs. Archives départementales d'Ille-et-Vilaine 7M72416 - Illustration Sortir de la Grande Guerre (1918-1926) : Difficile retour à la paix
Mutilés aux champs. Archives départementales d'Ille-et-Vilaine 7M72416
Si l’entrée en guerre a été rapide, le retour à la paix après 1918 s’est révélé laborieux, pour reprendre le fil d’une vie interrompue par cette guerre de quatre ans. Une exposition à Montfort-sur-Meu (35) retrace la vie des habitants du secteur.

Printemps-été 1918. La guerre de tranchées s’est mutée en guerre de mouvement, avec des armes de plus en plus élaborées. Tanks, lance-flammes, gaz chimiques se développent et entraînent toujours de nombreuses pertes humaines. À cette même période, à l’arrière, la vie est dure et la mort est aussi présente. Depuis quelques mois, la grippe espagnole sévit et fait des ravages. Alors, si la joie triomphe dans les tranchées à l’annonce tant attendue de l’arrêt des combats, ce n’est qu’un sentiment de soulagement qui domine dans les campagnes lorsque le carillon des cloches se fait entendre pour annoncer l’Armistice.

[caption id= »attachment_36380″ align= »aligncenter » width= »720″]Les permissionnaires. Gallica, BNF. Les permissionnaires. Gallica, BNF.[/caption]

Longue démobilisation

L’Armistice, signé le 11 novembre 1918 à Rotondes, n’est qu’une suspension temporaire des combats pour négocier la paix, qui ne sera définitive que le 28 juin 1919, lors de la signature du traité de Versailles. Ce soulagement est donc de courte durée car cet événement ne modifie pas immédiatement le quotidien des habitants, soumis à l’inflation et aux restrictions en tout genre, qui ne prendront fin qu’en août 1920. Et leur patience sera de nouveau éprouvée, face à la logistique de grande ampleur mise en place par l’État et l’Armée pour ramener à la maison près de 5 millions de soldats et de prisonniers.

Laborieuse réinsertion familiale

Les retours s’échelonneront jusqu’en 1921. De nombreuses fêtes célèbrent le retour des héros. C’est un rite de passage, une transition de la guerre au retour à la vie civile et au foyer. Dans l’intimité, chacun essaie de retrouver sa place, ses repères. La cellule familiale peine à se reconstituer après une si longue absence. Dans de nombreux foyers, l’entrée en paix rime avec guerre domestique. L’augmentation des séparations dans les années 1920 et la recrudescence de plaintes pour violences domestiques témoignent de cette difficile réinsertion.

Fracture entre la ville et la campagne

Le monde rural contribue doublement à l’effort de guerre : en produisant d’une part l’alimentation nécessaire aux villes et aux armées, et en approvisionnant massivement en hommes l’infanterie, qui déplore les plus forts taux de mortalité. Aussi dans les années 1920, se crée une rupture entre la campagne et la ville. Les campagnes sont suspectées d’être des repères pour déserteurs. Critiques auxquelles la campagne répond, apostrophant les urbains de « marchands de canons » et autres « profiteurs de guerre ». L’entrée en paix semble accentuer une France à deux vitesses.

Reprise de la vie quotidienne sans ménagement

Il faut relancer l’économie française, qui est au plus mal. Le poilu est ainsi exhorté à continuer à servir son pays, en fonction de ses capacités. Pour éviter l’exode massif dans les villes, les paysans, y compris les mutilés pris en charge par le centre de rééducation de Rennes, sont incités à retourner dans les champs : « Avec un peu d’énergie, d’amour-propre, de constance, le corps se plie à des exigences nouvelles… », relève un rapport d’un médecin-chef. Les blessés se voient proposer des prothèses qui s’adaptent aux différentes activités agricoles. Leur courage sera mis en valeur lors du concours agricole des mutilés.

Longues années de deuil

Pour celles qui ont perdu un être cher au combat, les décorations à titre posthume ravivent la douleur des familles, qui attendent le rapatriement des corps pour faire leur deuil. Le convoi des cercueils d’Ille-et-Vilaine n’arrivera qu’en 1922. Des groupements de vétérans se créent pour venir en aide aux familles endeuillées, aux pupilles de la Nation, aux mutilés… Au final, « c’est l’érection des monuments aux morts qui clôt la parenthèse du temps de guerre et qui marque la véritable “entrée en paix” », analyse Erwan Le Gall, doctorant en histoire à l’Université Rennes 2, qui a mené ces recherches, à l’origine de l’exposition « 1918-1926 : entrer en paix », conçue et scénographiée par le service Action culturelle de Montfort Communauté.

La politique des ventres

Durant cette période, les femmes sont appelées à jouer un rôle, non plus en produisant des armes, conduisant des tramways ou tenant les rênes d’une ferme, mais en donnant la vie. La France est à repeupler. Un certain nombre de mesures apparaissent, vantant les fonctions procréatrice et maternelle de la mère au foyer, comme la Journée des mères de familles nombreuses, qui deviendra en 1926 la Fête des Mères. Médaillées et érigées en modèles ce jour-là, elles n’en étaient plus moins appelées dans la liste des nominées sous le nom de leur mari… L’émancipation de la femme pendant ces années de combat a été vite oubliée.

En savoir plus : Exposition gratuite, à l’hôtel Montfort Communauté – 4 place du Tribunal – Montfort-sur-Meu – du mardi au samedi (du 12 juillet au 1er septembre) et du lundi au vendredi (à partir du 1er septembre) de 14 h à 18 h. Journées du patrimoine : le dimanche 16 septembre, visite guidée à 16 h 30. Contact : cecile.delarue@montfortcommunaute.bzh


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