Les discussions sur la Pac d’après 2020 sont en cours. La Commission européenne souhaite laisser davantage de latitude aux États, avec le risque d’accroître les distorsions de concurrence.
Dans un contexte de départ du Royaume-Uni (contributeur net) et de nouvelles priorités budgétaires, telles que l’immigration ou la défense, la Commission européenne (CE) souhaiterait voir la part de la Pac baisser dans le budget total de l’UE. « Il faut sans doute aujourd’hui chercher d’autres sources de financement liées au stockage de carbone, aux services rendus pour l’environnement, le paysage, le tourisme…, par le développement de nouveaux marchés comme l’énergie », a souligné Hervé Guyomard de l’Inra, expert de la Pac, à l’occasion du Carrefour international des matières premières, le 14 septembre au Space.
« Les chefs d’États et de gouvernements doivent se mettre d’accord sur le budget au printemps 2019. L’entrée en vigueur de la nouvelle Pac est souhaitée en janvier 2021, mais ce calendrier paraît très ambitieux du fait du brexit et des élections européennes en mai 2019. Ce sera sans doute plus tard. » La CE entend laisser davantage de latitude aux États membres qui vont devoir bâtir des plans stratégiques nationaux pouvant être régionalisés. Intéressante pour la réactivité et l’adaptation au territoire, « cette orientation présente des risques de distorsions de concurrence », précise Thierry Coué, président de la FRSEA Bretagne.
Les BCAE renforcées
L’architecture en deux piliers sera maintenue avec un financement à 100 % par l’UE pour le 1er pilier et un cofinancement pour le 2e. Sur les aides du 1er pilier, la convergence, un paiement redistributif en faveur des petites et moyennes exploitations et un plafonnement des aides sont souhaités. « Le verdissement va être supprimé et intégré dans la conditionnalité des aides. » Les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) vont être renforcées avec des mesures de protection des sols riches en carbone, l’utilisation d’outils d’aide à la décision pour la fertilisation, des obligations de rotation des cultures…
Par ailleurs, les MAEC vont être conservées et le nouveau dispositif d’éco-programme — « eco-scheme » — sera obligatoire au niveau de l’État membre, mais optionnel pour l’agriculteur. Il proposera des contrats ciblés sur l’environnement et le changement climatique. « Pour le moment, des questions demeurent sur ce dispositif : qu’est-ce qui sera financé ? Selon quelles modalités ? »
Incohérence avec les accords internationaux
« La priorité est de maintenir un budget conséquent pour la Pac. Et nous devons définir un statut à l’agriculteur qui touche les aides », a rappelé Thierry Coué. Il souligne par ailleurs l’incohérence des attentes de la Pac avec les accords internationaux qui font entrer en Europe des productions ne respectant pas du tout les mêmes critères.
Olivier Allain, vice-président du Conseil régional, voit 4 priorités dans la Pac : « La défense des exploitations familiales, la régulation, le maintien de l’élevage et l’agro-écologie. Des aides incitatrices peuvent permettre aux agriculteurs de changer leurs pratiques sur le carbone ou la biodiversité, sans que ce soit incompatible avec l’économie. Soyons plus offensifs sur ces enjeux. » Pour Hervé Guyomard, les propositions de la nouvelle Pac ne sont pas à la hauteur des enjeux sur le réchauffement climatique et des attentes sociétales concernant l’élevage.