Le groupe AEP « autonomie » de la région de Fougères faisait partie des premiers à être créés il y a 4 ans. Le bilan est plus que positif pour Yoann Humbert qui fait rimer autonomie et économie sur son système.
C’est l’histoire d’une adaptation réussie à un territoire, dans un contexte allant vers la libéralisation des quotas et un coût d’intrants toujours plus élevé. Une histoire parmi d’autres, où la réflexion individuelle et en groupe nourrit la bonne santé économique de l’exploitation. Où l’implication des éleveurs, leur sens du terrain, leur envie de trouver des solutions, les mènent à voir leur métier sous un jour meilleur. À redresser la barre en peu de temps finalement…
Retour à l’équilibre économique
Non issu du milieu agricole, Yoann Humbert s’est installé en 2010 à Luitré (35), en Gaec avec son maître de stage de BTS Dominique Marcault. Le système d’exploitation est alors très différent. Un système maïs-concentré-herbe classique dans la région de Fougères, qui a fait ses preuves par le passé, mais qui parvient de moins en moins à l’équilibre économique.
S’informant sur plusieurs pistes visant davantage d’autonomie, Yoann Humbert propose à son associé de réaliser du méteil. Plusieurs autres producteurs autour se lancent aussi dans ce type de production. C’est via cette pratique qu’ils sont repérés pour intégrer un des nouveaux groupes AEP (Agriculture écologiquement performante). Cette démarche lancée fin 2013 par la Région Bretagne vise à accompagner des projets innovants.
L’objectif du groupe AEP, qui rassemble une dizaine d’exploitations laitières, est de gagner en autonomie fourragère et protéique. Il est animé par Anne Briend, conseillère à la Chambre d’agriculture. « La première question a été : “Peut-on se passer de tourteaux de soja tout en conservant une bonne production ? ” Et si oui, avec quelles cultures dans notre zone : du méteil, des protéagineux, de la luzerne ? »
L’assurance luzerne
« Sur notre exploitation de 92 ha, nous avons commencé par supprimer complètement les céréales qui occupaient près de 8 ha, pour les remplacer par de la luzerne et de l’herbe pâturée. Nous avons décidé d’arrêter le méteil au bout de trois ans, du fait de rendements faibles. Les terres de la région de Fougères sont trop fraîches pour ce type de culture, et les semences sont assez onéreuses. La luzerne par contre assure un rendement de 12 à 13 t MS/ha au minimum, pouvant aller jusqu’à 15 – 16 t comme l’an passé, en quatre à cinq coupes par an », explique Yoann Humbert. « Elle est implantée pour 4 à 5 ans. »
Autre piste creusée avec succès au sein du groupe AEP, l’intensification des prairies. « Les pâtures sont implantées en RGA – trèfle blanc. Nous ajoutons désormais de la fétuque pour l’été. 32 ha sont réservés au pâturage des vaches, soit 40 ares/VL. Les vaches pâturent 2 jours au maximum sur les paddocks, gérés au fil avant au printemps et à l’automne. Nous utilisons l’herbomètre et rationnons éventuellement à l’auge. »
Le maïs très productif sur la zone a été conservé sur 14 ha. Mais le silo est fermé d’avril à juin. Aujourd’hui, l’éleveur regarde chaque mois son coût alimentaire. « En moyenne sur la dernière campagne, il se situe à 69 €/1 000 L (sur les vaches laitières). Et nous souhaitons encore le baisser. En août, nous étions à 51 €/1 000 L, alors que la moyenne de notre groupe Eilyps était à 105 €. »
Bio et croisement trois voies
Les éleveurs vont aujourd’hui plus loin en convertissant l’exploitation en bio entre juin 2018 et décembre 2019. La production, de 580 000 L actuellement, va sans doute baisser, mais pas le revenu… « Il y a quelques années, les vaches produisaient 9 500 L sur l’exploitation contre 7 500 L aujourd’hui avec un TP de 32,5 et un TB de 42. » « Nous n’avons pas donné de concentrés aux vaches depuis avril. En bio, il faut absolument s’en passer. Cet hiver, nous allons vers une ration avec 9 – 10 kg MS de luzerne et du maïs. »
En parallèle, Yoann Humbert et Dominique Marcault se lancent dans le croisement trois voies sur leur cheptel Holstein : avec de la Jersiaise pour ses pattes solides, sa rusticité, ses facilités de vêlage, ses taux…, puis de la Rouge scandinave pour la santé de mamelle et la fertilité notamment. Pour l’anecdote, le nom des vaches est aujourd’hui suivi d’un chiffre : 1 pour un père Holstein, 2 pour un Jersiais et 3 pour un Rouge scandinave. « Les premières femelles croisées Holstein – Jersiaise, des « Kiwis » comme on les appelle, viennent de naître. »